Un matin, je me suis découvert plusieurs poils sur les seins. Ils étaient longs et très fins. Je les ai arrachés d’un geste sec et horrifié. Ils n’ont pas résisté.
Le lendemain, il y en
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La table était couverte de compositions florales, et dans un souci d'harmonie champêtre, on avait placé là, parmi elles, comme une promesse de cueillette, une grande corbeille destinée à recevoir chèques, billets de banque, et cartes de vœux de bonheur.
Entre deux bouquets, à demi dissimulé par les fleurs, miroitait l'emballage doré de l'unique paquet-cadeau du mariage de Paul et de Julie.
Quand après la fête, ils eurent compté leurs sous et lu tous les messages, ils déballèrent le cadeau.
C'était un coffret de la taille d'une boîte à chaussures, la reproduction réussie d'une malle de diligence avec couvercle bombé, barres de bois ciré et fermetures à levier en laiton patiné. Mais lorsqu'ils essayèrent de l'ouvrir, ce fut impossible. Les fermetures semblaient factices. Ils tournèrent le coffret en tous sens, cherchèrent en vain un autre système d'ouverture qui pourrait être caché.
Qui avait eu l'idée d'un pareil cadeau ?
Toutefois, comme ils trouvaient l'objet assez beau, ils le posèrent sur une étagère en hauteur dans la cuisine et finirent par l'oublier.
Le temps passa, la routine s'installa, l'amour s'émoussa. Paul et Julie faisaient de moins en moins attention l'un à l'autre et une première crise grave éclata. Julie partit en claquant la porte.
Aucun des deux ne s'aperçut qu'un des clapets du coffret venait de se déverrouiller.
Elle revint trois jours plus tard et ils se réconcilièrent. La vie commune reprit avec ses hauts et ses bas. Mais les bas devinrent plus nombreux et durèrent de plus en plus longtemps, les paroles acerbes peu à peu supplantèrent les mots d'amour, et l'indifférence étouffa de nouveau la tendresse.
La deuxième crise fut plus violente encore. Il y eut beaucoup de cris, de larmes et de vaisselle brisée. Le mot divorce fut prononcé.
Épuisés, ils finirent par se calmer. Un silence pesant s'installa. C'est là qu'ils entendirent un « clic » métallique. Le bruit provenait du coffret. Ils constatèrent que les deux clapets étaient relevés. Puis, le couvercle, d'un mouvement sec et soudain, s'ouvrit. Une voix de crécelle s'éleva.
« Ben dis donc, c'est pas trop tôt. Z'en avez mis du temps à vous détester. J'en pouvais plus d'attendre la délivrance en écoutant vos roucoulades. On étouffe là-dedans.»
C'est alors qu'une petite créature sortit du coffret, s'étira et bailla. Dans le genre ado qui se serait vêtue au hasard de ce qui lui tombait sous la main, elle avait une apparence globalement humaine, mis à part les sortes de griffes qui pointaient à chacun de ses doigts, ainsi qu'aux orteils de ses pieds nus, et deux rangées de petites dents toutes identiques et très pointues qui se révélèrent lorsqu'elle leur adressa une grimace qui sans doute, faisait office de sourire.
« Eh, me zieutez pas comme ça, je suis pas un génie venu exaucer vos vœux ! »
Elle partit d'un rire strident qui leur vrilla les oreilles et reprit :
« Surtout que pour le moment votre vœu c'est le divorce, et moi justement, j'interviens quand tout va mal, qu'y a plus aucun espoir. Je suis censée vous aider à sauver votre mariage. Tu parles d'une corvée ! En attendant si vous pouviez me faire descendre de là, je vais pas en plus, me rompre le cou. Au fait, je m'appelle Krakadita.»
Paul et Julie se regardèrent, sidérés.
« Alors ça vient !» hurla Krakadita.
Ils sursautèrent. Paul avança une main tremblante pour l'attraper.
« Pas touche » cria-t-elle, en faisant mine de lui planter les dents dans le bout du doigt, « Avance juste tes mains en mode ascenseur, c'est moi qui monte dessus.»
Une fois déposée sur la table, elle fit quelques étirements, des roulades et un petit footing, puis elle s'assit en tailleur et leur décocha un nouveau sourire.
« Bon, que je vous explique un peu. Je suis une ancienne Cupidonne. Et oui, y a aussi des filles chez les Cupidons, prenez pas cet air ahuri !
Vous imaginez, le calvaire, rester éternellement un de ces bébés grassouillets, à poil, condamné à tirer des flèches empoisonnées à l'amour !
Moi, j'ai poursuivi ma croissance, malgré l'interdiction formelle de changer. Je suis une anomalie et une rebelle. Alors on m'a recyclée: Réparatrice d'amours mortes. C'est expérimental...». Elle soupira et leva les yeux au ciel.
« On m'a mise dans cette boîte spéciale qui s'ouvre qu'en cas de force majeure, et on m'a expédiée au hasard d'un mariage. C'est tombé sur vous. Cool, non ? Vous avez tiré le gros lot ! ».
Les jours qui suivirent furent très éprouvants pour Paul et Julie. Krakadita agissait à la manière d'un moustique. Elle guettait les manifestations hostiles ou désobligeantes qu'ils pouvaient avoir l'un envers l'autre, et chaque fois que ça se produisait, elle se jetait sur eux, les mordant, leur donnant des coups de griffe. Elle était toujours là, à les titiller, à suivre l'un ou l'autre lorsqu'ils sortaient, se cachant dans leurs poches, s'agrippant à leurs vêtements. Si l'un quittait la maison dans le but de ne plus y revenir, elle faisait un tel scandale dans la rue qu'ils étaient obligés de rentrer pour y mettre fin.
Par contre, lorsqu'ils se parlaient avec respect, qu'ils se prodiguaient des attentions, elle se mettait en retrait et les laissait savourer ces moments de répit.
C'est ainsi que Paul et Julie, contraints au début à une attitude conciliante pour avoir droit à un peu de paix, se redécouvrirent et se mirent à reprendre goût à la compagnie l'un de l'autre. Leur amour renaissait progressivement, plus sain et plus fort qu'avant, et arriva le moment où ils n'eurent plus aucun doute là-dessus : Ils étaient de nouveau heureux ensemble et ils surent que cette fois, c'était du solide. Krakadita, au moindre relâchement intervenait, mais elle en avait rarement besoin et se faisait de plus en plus discrète.
Le jour vint où elle se planta devant eux, les yeux brillants et le sourire presque désarmant.
- « Mission accomplie. Je vais avoir droit à ma récompense
- Ta récompense ?
- Oui, je vous ai pas tout dit. Le deal, c'était que si je réussissais je deviendrais une vraie fille. »
Et tandis qu'elle parlait, elle se mit à grandir et grandir encore jusqu'à atteindre une taille humaine. Les griffes se détachaient une à une de ses mains et de ses pieds.
Paul et Julie étaient absorbés par la contemplation de ce prodige, à la fois ébahis, attendris et vaguement inquiets. Ils s'apprêtaient à la féliciter et à la remercier pour ce qu'elle avait fait pour eux, à lui souhaiter bonne chance, lorsque le bourdonnement des paroles de Krakadita affleura de nouveau à leur conscience.
«... Et comme, en âge humain, j'ai que treize ans et demi, je vais avoir besoin de parents. Alors, Papa et Maman, heureux ? »
Krakadita, radieuse, souriait de plus belle, exposant plus que jamais ses nombreuses petites dents toujours aussi pointues.
« Pourvu, pourvu, que ce soit des dents de lait », pensa Julie.
Entre deux bouquets, à demi dissimulé par les fleurs, miroitait l'emballage doré de l'unique paquet-cadeau du mariage de Paul et de Julie.
Quand après la fête, ils eurent compté leurs sous et lu tous les messages, ils déballèrent le cadeau.
C'était un coffret de la taille d'une boîte à chaussures, la reproduction réussie d'une malle de diligence avec couvercle bombé, barres de bois ciré et fermetures à levier en laiton patiné. Mais lorsqu'ils essayèrent de l'ouvrir, ce fut impossible. Les fermetures semblaient factices. Ils tournèrent le coffret en tous sens, cherchèrent en vain un autre système d'ouverture qui pourrait être caché.
Qui avait eu l'idée d'un pareil cadeau ?
Toutefois, comme ils trouvaient l'objet assez beau, ils le posèrent sur une étagère en hauteur dans la cuisine et finirent par l'oublier.
Le temps passa, la routine s'installa, l'amour s'émoussa. Paul et Julie faisaient de moins en moins attention l'un à l'autre et une première crise grave éclata. Julie partit en claquant la porte.
Aucun des deux ne s'aperçut qu'un des clapets du coffret venait de se déverrouiller.
Elle revint trois jours plus tard et ils se réconcilièrent. La vie commune reprit avec ses hauts et ses bas. Mais les bas devinrent plus nombreux et durèrent de plus en plus longtemps, les paroles acerbes peu à peu supplantèrent les mots d'amour, et l'indifférence étouffa de nouveau la tendresse.
La deuxième crise fut plus violente encore. Il y eut beaucoup de cris, de larmes et de vaisselle brisée. Le mot divorce fut prononcé.
Épuisés, ils finirent par se calmer. Un silence pesant s'installa. C'est là qu'ils entendirent un « clic » métallique. Le bruit provenait du coffret. Ils constatèrent que les deux clapets étaient relevés. Puis, le couvercle, d'un mouvement sec et soudain, s'ouvrit. Une voix de crécelle s'éleva.
« Ben dis donc, c'est pas trop tôt. Z'en avez mis du temps à vous détester. J'en pouvais plus d'attendre la délivrance en écoutant vos roucoulades. On étouffe là-dedans.»
C'est alors qu'une petite créature sortit du coffret, s'étira et bailla. Dans le genre ado qui se serait vêtue au hasard de ce qui lui tombait sous la main, elle avait une apparence globalement humaine, mis à part les sortes de griffes qui pointaient à chacun de ses doigts, ainsi qu'aux orteils de ses pieds nus, et deux rangées de petites dents toutes identiques et très pointues qui se révélèrent lorsqu'elle leur adressa une grimace qui sans doute, faisait office de sourire.
« Eh, me zieutez pas comme ça, je suis pas un génie venu exaucer vos vœux ! »
Elle partit d'un rire strident qui leur vrilla les oreilles et reprit :
« Surtout que pour le moment votre vœu c'est le divorce, et moi justement, j'interviens quand tout va mal, qu'y a plus aucun espoir. Je suis censée vous aider à sauver votre mariage. Tu parles d'une corvée ! En attendant si vous pouviez me faire descendre de là, je vais pas en plus, me rompre le cou. Au fait, je m'appelle Krakadita.»
Paul et Julie se regardèrent, sidérés.
« Alors ça vient !» hurla Krakadita.
Ils sursautèrent. Paul avança une main tremblante pour l'attraper.
« Pas touche » cria-t-elle, en faisant mine de lui planter les dents dans le bout du doigt, « Avance juste tes mains en mode ascenseur, c'est moi qui monte dessus.»
Une fois déposée sur la table, elle fit quelques étirements, des roulades et un petit footing, puis elle s'assit en tailleur et leur décocha un nouveau sourire.
« Bon, que je vous explique un peu. Je suis une ancienne Cupidonne. Et oui, y a aussi des filles chez les Cupidons, prenez pas cet air ahuri !
Vous imaginez, le calvaire, rester éternellement un de ces bébés grassouillets, à poil, condamné à tirer des flèches empoisonnées à l'amour !
Moi, j'ai poursuivi ma croissance, malgré l'interdiction formelle de changer. Je suis une anomalie et une rebelle. Alors on m'a recyclée: Réparatrice d'amours mortes. C'est expérimental...». Elle soupira et leva les yeux au ciel.
« On m'a mise dans cette boîte spéciale qui s'ouvre qu'en cas de force majeure, et on m'a expédiée au hasard d'un mariage. C'est tombé sur vous. Cool, non ? Vous avez tiré le gros lot ! ».
Les jours qui suivirent furent très éprouvants pour Paul et Julie. Krakadita agissait à la manière d'un moustique. Elle guettait les manifestations hostiles ou désobligeantes qu'ils pouvaient avoir l'un envers l'autre, et chaque fois que ça se produisait, elle se jetait sur eux, les mordant, leur donnant des coups de griffe. Elle était toujours là, à les titiller, à suivre l'un ou l'autre lorsqu'ils sortaient, se cachant dans leurs poches, s'agrippant à leurs vêtements. Si l'un quittait la maison dans le but de ne plus y revenir, elle faisait un tel scandale dans la rue qu'ils étaient obligés de rentrer pour y mettre fin.
Par contre, lorsqu'ils se parlaient avec respect, qu'ils se prodiguaient des attentions, elle se mettait en retrait et les laissait savourer ces moments de répit.
C'est ainsi que Paul et Julie, contraints au début à une attitude conciliante pour avoir droit à un peu de paix, se redécouvrirent et se mirent à reprendre goût à la compagnie l'un de l'autre. Leur amour renaissait progressivement, plus sain et plus fort qu'avant, et arriva le moment où ils n'eurent plus aucun doute là-dessus : Ils étaient de nouveau heureux ensemble et ils surent que cette fois, c'était du solide. Krakadita, au moindre relâchement intervenait, mais elle en avait rarement besoin et se faisait de plus en plus discrète.
Le jour vint où elle se planta devant eux, les yeux brillants et le sourire presque désarmant.
- « Mission accomplie. Je vais avoir droit à ma récompense
- Ta récompense ?
- Oui, je vous ai pas tout dit. Le deal, c'était que si je réussissais je deviendrais une vraie fille. »
Et tandis qu'elle parlait, elle se mit à grandir et grandir encore jusqu'à atteindre une taille humaine. Les griffes se détachaient une à une de ses mains et de ses pieds.
Paul et Julie étaient absorbés par la contemplation de ce prodige, à la fois ébahis, attendris et vaguement inquiets. Ils s'apprêtaient à la féliciter et à la remercier pour ce qu'elle avait fait pour eux, à lui souhaiter bonne chance, lorsque le bourdonnement des paroles de Krakadita affleura de nouveau à leur conscience.
«... Et comme, en âge humain, j'ai que treize ans et demi, je vais avoir besoin de parents. Alors, Papa et Maman, heureux ? »
Krakadita, radieuse, souriait de plus belle, exposant plus que jamais ses nombreuses petites dents toujours aussi pointues.
« Pourvu, pourvu, que ce soit des dents de lait », pensa Julie.
Au fait, les dents évoluent-elles ?
Mon texte est en lice sur le prix des jeunes écritures,Vous pouvez lire et voter s'il vous a plu. Le lien: Le seul enfant de la famille (Djibril Ndour)