Tu tournes dans l'appartement. Tu t'affaires à tout couper : le gaz, l'électricité, l'eau, et mon cœur en deux, pour en emporter le beau morceau, le bien saignant. Je finis de scotcher tes ... [+]
Je cours. Je cours et vous me regardez courir. Dans le couloir numéro trois. Mais je n’y suis pas. Je cours dans ma tête. Je cours sur le sable brûlant, sous le soleil dévorant du désert d’Ethiopie. Je cours entre les acacias et les euphorbes, au sombre des forêts de conifères, à la lueur des immortelles. Je cours sur la trace des lièvres, sur celle des antilopes. Je cours depuis les hauts plateaux jusqu’aux plaines du grand Rift. Je cours sur les berges du lac Tana aux sources du Nil Bleu. Je cours sous la lune et son concert d’étoiles. Je cours au rythme calme de mon cœur africain. Toute petite, je courais pour aller à l’école, à peine plus grande j’ai couru pour échapper à un mariage avec un homme quatre fois plus âgé que moi, puis j’ai couru pour sortir de la fange de la ville et de la prostitution. A force, je suis devenue une machine à courir ou, disons plutôt, un bel animal, car c’est ainsi que vous me voyez, je pense, maintenant que je cours chez vous comme personne chez vous ne sait courir, pas pour gagner, non, mais parce que ma liberté est à ce prix.
Je cours.
Je cours.
Aux humaines !
Viva !