J'ai pas de chance en amour

De son vrai nom Edoro Serge Léon PADONOU, il est étudiant en sciences infirmières au Bénin. Aime écrire et surtout le drame est sa préférence. Abonne toi et tu ne sera pas déçu. Merci.

Toute histoire commence un jour, quelque part et celle de Bénédicte allait commencer ce vendredi soir où elle sortait du travail dans l’une des villes les plus belles d’Afrique : Cotonou, capitale du bénin.
Ce soir-là quand elle avait fini ses dernières formalités administratives, elle s’empressa de rentrer car le désir ardent de rentrer pour passer le week-end avec sa mère bouillait au fond de son cœur. Mais au moment où Bénédicte allait ouvrir la porte de sortie, elle tomba sur un jeune homme de la trentaine, son âge à peu près. Cela fait maintenant la sixième fois que Bénédicte rencontrait ce même jeune homme et à chaque fois c’était comme s’il y avait un aspect très particulier, comme si le monde s’arrêtait pendant cette fraction de secondes. Le jeune homme avait décidé, ce soir de rompre le silence funéraire qui régnait dans l’atmosphère dans lequel ils se rencontrèrent ;
- Bonjour madame ; balbutia le jeune homme
Le temps pour Bénédicte de lui répondre, il ajouta :
- Paul ! appelez-moi Paul, j’ai été affecté dernièrement au service des relations publiques de cette entreprise
- Enchantée moi c’est Bénédicte, rédactrice en chef de la presse écrite du journal « le matinal » ; dit-elle d’une voix grelottante
- Je vois que vous êtes très pressé mais si vous pouvez me permettre de vous inviter à un dîner; vous n’aurez qu’à me donner le jour et l’heure et je passerai vous chercher ; dit Paul en lui tendant sa carte de visite.
Bénédicte hésita pendant un moment mais finir par prendre la carte. Ils se séparèrent ensuite.
Cela fait maintenant plus d’un quart d’heure que Bénédicte au volant de sa voiture ne faisait que penser à Paul , sa démarche particulière, son charisme, sa belle chevelure, ses belles dents blanches et étincelantes, ses épaules larges, sa carrure impressionnante. Au bout d’un moment lorsqu’elle fuyait ses pensées une des questions les plus importantes lui traversa l’esprit : était-elle amoureuse ? non se disait-elle en elle, oui comment pourra-t-elle de nouveau tomber amoureuse, oui elle à qui la vie avait appris à se méfier de ce sentiment si cruel qu’est l’amour, oui elle qui dans sa vie avait connu huit relations amoureuses parmi lesquelles une seule n’avait atteint que le stade des fiançailles, oui elle dont le cœur avait été pétri et durci par la déception d’avoir aimé. Toutes ces inquiétudes la taraudaient et elle avait même failli dépasser la ruelle dans laquelle sa maison se trouvait. Arrivée à la maison l’accueil que Mirabelle, sa mère lui fit, fut une des plus chaleureuses. Apres s’être enquéri des nouvelles de sa fille, elle s’empressa à servir le diner qu’elles dégustèrent après que Bénédicte ait pris une douche. Après le diner, Bénédicte décida d’aller se coucher vu qu’il était déjà tard. Aussitôt qu’elle rentra dans la salle à coucher, elle n’avait même pas eu le temps de s’asseoir quand sa mère l’a suivi ; cette dernière une fois dans la chambre demanda à sa fille de s’asseoir qu’elle avait quelque chose de très important à lui dire. Bénédicte s’assit et sa mère s’exprima en ces termes :
«  Ma fille le temps passe, tu grandis, moi je vieillis, chaque seconde qui passe me rapproche un peu plus de la mort. Tu sais que tu n’es plus une fillette, je ne sais comment te le dire pour que tu ne le prennes pas mal, je sais aussi que tu n’aurais pas voulu que les choses se passent ainsi, je sais que dans cette vie tu as été déçu par de nombreuses relations mais je tiens seulement à te dire que ces expériences infructueuses ne doivent pas t’abattre et que tu pourrais encore tout recommencer. Fait toujours ce que tu juges de bon mais sache que cette terre ne sera légère pour ta mère que lorsqu’elle aura vu son petit-fils.» Evitant de pleurer devant sa fille elle dut sortir en courant de la chambre.
Bénédicte quant à elle resta songeuse un moment mais la fatigue ayant fini par prendre le dessus, elle s’endormit.
Le matin quand elle se réveilla, elle se dirigea vers la salle de bain saisit sa brosse à dent et au moment de commencer par se brosser, les paroles que sa mère lui avait adressées la veille lui revinrent. Maintenant qu’elle y pense, elle se rendit compte que sa mère avait raison. Elle se mira et des questions se soulevèrent : n’était-elle pas belle ou l’âge avait-il eu raison de sa beauté et pourquoi s’était-elle enfermée à l’expression de toute émotion sentimentale. Mais qu’avait-elle à perdre à s’engager dans une relation à nouveau ; rien. Sur ce, Bénédicte se brossa illico et une fois dans la chambre elle saisit son sac, y sortit le numéro de Paul, l’appela et lui fixa un rendez-vous. Son cœur se sentait apaiser de l’acte qu’elle venait de poser. La journée était trop longue pour elle, elle voulait rompre la routine de tous ces weekends. Dès l’après-midi, Bénédicte commença déjà par se préparer, c’était un nouveau départ pour elle et elle ne devait pas se planter, elle devait cacher les quelques rides qui commençaient déjà à se dessiner. Tout cela ne finit que vers le crépuscule. La nuit allait tomber à peine quand Bénédicte sortit de la maison avec une élégance irréprochable. Elle attendit pendant quelques minutes sur la chaussée et Paul finit par arriver, il l’a salua et l’a complimenta. Un merci s’échappa alors de la bouche de Bénédicte qui se retrouvait maintenant à l’intérieur de la voiture. Leur dîner se passa sans embâcle et ils eurent le temps de mieux se connaitre. Si Paul était orphelin de mère, Bénédicte elle l’était de père. Ils avaient plusieurs convergences et Bénédicte trouva en lui quelque chose que ses précédentes relations ne lui ont pas apporté. Vers vingt-trois heures Paul était venu déposer Bénédicte, qui promis à sa mère de tout lui raconter mais cela le weekend suivant car elle devait se reposer pour la longue journée de travail qui l’attendait demain.
La semaine suivante passa vite et les choses avaient évolué du coté de Bénédicte et Paul, les dîners et les sorties se multipliaient et cela avait tendance à la rendre plus amoureuse. Ce samedi quand elle rentra comme promis elle fit le récit de toute l’histoire ; de la rencontre jusqu’aux dîners et sorties. Sa mère silencieuse jusque-là ne lui demanda qu’une chose à la fin :
- Est-ce que tu l’aime ? Avec la plus grande sincérité que possible
- Je crois que oui lui répondit Bénédicte
Lorsque Bénédicte ouvrit son bureau le lundi suivant elle constata que le décor n’était pas le même que d’habitude. Sur la table de très jolies fleurs et un étui emballé étaient posé sur une enveloppe qui contenait surement un mot. Quand elle ouvrit l’étui un anneau apparut, et dans l’enveloppe le mot disait « veux-tu devenir ma fiancée ? »,c’était signé Paul. Bénédicte ne croyait pas ses yeux, elle se demandait si elle ne rêvait pas. Elle enfila l’anneau avec une allure impressionnante saisi ensuite son téléphone et mit sa mère au courant tout juste après avoir fait part à Paul de son approbation aux fiançailles.
Onze mois venaient de s’écouler entre l’approbation de Bénédicte et ce samedi soir où elle fit part de son idée de le présenter à sa mère. Paul fut entièrement d’accord et le weekend qui allait fut désigné comme moment propice. Quand Bénédicte annonça la bonne nouvelle à sa mère, cette dernière était émue. Quand Paul arriva cet après-midi-là, il avait un paquet à la main. Bénédicte partit l’accueillir, ils s’embrassèrent et quand elle a voulu connaitre le récipiendaire du paquet son fiancé n’a pas pu s’empêcher de lui dire que c’était pour sa future belle-mère. Une fois à l’intérieure de la maison, ils passèrent tout l’après-midi à bavarder ce qui donna le temps à la mère de Bénédicte de voir le côté positif des choses : son future beau-fils avait une éducation irréprochable, une modestie incomparable et une dignité intouchable. Après avoir parlé de tout et de rien, Paul réclama l’attention des deux femmes qui lui tenaient compagnie et s’exprima comme suit :
«Il y a quelques mois, je ne croyais plus en l’amour mais depuis que j’ai rencontré Bénédicte tout a changé. J’ai cru avoir une seconde chance et je ne m’étais pas tromper. C’est pour cela que je viens lui demander aujourd’hui si elle voulait être ma femme. »
Bénédicte jeta ensuite un regard vers sa mère qui acquiesça d’un signe de tête, elle se retourna et regarda maintenant Paul dans les yeux et avec la plus grande attention, elle n’avait décollé ses lèvres que pour dire un seul mot « oui ». Paul sourit et souleva après quelques secondes qu’il n’était plus que question de trouver une date. La mère de Bénédicte leur proposa la veille de Noël, après leur avoir parlé de la dote et des traditions à ne pas esquiver. Noël, c’était dans trois semaines et si tout se passait bien ils seraient déjà marier. Ils dinaient ensuite et Paul remit le paquet qu’il avait apporté à sa future belle-mère qui la remercia. Au portail alors que Paul partait, il retira sa veste et lorsque il leur tourna dos ; la mère de Bénédicte remarqua sur son cou tout juste en dessous de la nuque une tâche de naissance et la forme et l’emplacement lui disait quelque chose c’était comme si elle avait déjà vu quelque part.
Cette nuit-là, la mère de Bénédicte n’arrivait pas à dormir, l’image de cette tâche de naissance la hantait, à chaque fois qu’elle ferma les paupières l’image lui revenait à l’esprit.
Deux semaines passèrent, ce qui nous ramena à une semaine de la date du mariage et les préparatifs allaient de bon train : la dote était payée et acceptée et les rituels ont été effectué. A quatre jours de la date fatidique les cauchemars à propos de cette tâche de naissance reprirent chez Mirabelle, cette nuit-là elle fit des rêves étranges et un hibou avait hurlé trois fois : c’était mauvais signe. A l’aube alors que sa fille faisait encore sa grâce matinée, elle alla consulter l’oracle qui était le seule moyen qu’elle avait pour élucider le mystère. La consultation des esprits fut rapide et l’interprétation fut la suivante : «  un passé que vous aviez crut cacher revient et vous deviez tout dévoilez si non l’issu des conséquences pourra vous être fatale » ; c’était tout, il n’y avait ni d’offrande, ni de rituels à faire. Une fois sur la voie de retour, elle récapitula, maintenant que le devin lui parla de passé elle se souvint de là où elle avait vu cette fameuse tâche : c’était sur son premier fils mort à l’accouchement oui cette tâche avait la même forme et était au même endroit. Mais elle n’avait jamais parlé de ça à quelqu’un ; même Bénédicte n’était pas au courant que sa mère avait eu un fils avant elle. Mais le plus intriguant dans toute cette histoire c’est qu’un homme de la trentaine qui était sur le point de se marier avec sa fille portait une tâche de naissance, la même que celui de son fils mort à la naissance il y à peine trente-cinq ans. Il y avait anguille sous roche et elle devrait s’empresser de la trouver avant qu’il ne soit trop tard. Le lendemain elle décida de se rendre à la maternité où elle avait subi son premier accouchement pour avoir la version authentique des faits de ce jour-là. A son arrivée, elle dut elle même aller à la salle des archives. Elle fouilla au bout de quinze minutes mais finit par comprendre que cette salle ne gardait pas les dossiers vieux de plus de vingt ans. Quand elle se renseigna chez le vigile ce dernier lui fit la confidence que tous les dossiers absents dans cette salle pouvaient être retrouvés à l’hôpital de zone à quinze kilomètre. Elle n’avait plus du temps à perdre, chaque seconde comptait, elle devait tout faire pour être là demain au côté de sa fille avant que le mariage ne commence. Elle arriva à l’hôpital de zone vers le crépuscule et selon leurs obligeances elle n’eut pas elle-même l’accès à la salle d’archive mais il lui suffisait de noter sur une feuille de papier l’année et la date de son accouchement, elle patienta encore cinq minutes avant qu’un jeune homme revint avec un cartable jaunâtre. Mirabelle s’empressa de prendre le cartable, elle lut et relut mais dans ce dossier où était clairement préciser cette fameuse tâche de naissance, il n’y avait pas une phrase qui traduisait la mort du bébé né, oui rien ne stipulait que le garçon était mort à la naissance. C’était étrange et confus ; elle essaya ensuite les contacts écrits sur le dossier, un seul contact réussit et avec un peu de chance la sage-femme dont le numéro venait de marcher était de garde dans ce même hôpital. Quand elle alla la voir, elle lui fit part de la raison de sa visite et cette dernière prit la parole : «  une heure après votre accouchement vous étiez tombé dans un coma profond suite à une hémorragie post-natale, pendant ce temps votre bébé n’a pas été retrouvé à la crèche et votre mari nous avait chargé de vous dire une fois que vous aurai retrouvé connaissance que le bébé était mort quelques heures après sa naissance. Mais deux semaines après votre départ le bébé a été retrouvé et quand on a voulu vous joindre, nous nous étions rendu compte que aviez déménagé ; on a été obligé de le mettre dans une maison d’accueil et ces derniers durent le nommer Paul pour pouvoir retirer son acte de naissance ». Quand elle entendit Paul elle ne prit même plus le temps d’écouter le reste de l’histoire : elle avait un mariage incestueux à arrêter. Malgré l’heure tardive elle devait se mettre en route si elle voulait interrompre ce mariage à temps. Une panne sèche allongea la durée du trajet, elle dut passer la nuit dans la voiture car difficile de se procurer du carburant à cette heure.
Il était maintenant neuf heures et le mariage avait commencé. Bénédicte quant à elle était déçue, sa mère n’était pas là le jour le plus important de sa vie ; les procédures s’enchainaient sans difficultés puis vint le moment où le prêtre dit «  si quelqu’un dans cette assemblée s’oppose à l’union de ces deux êtres qu’il parle ou qu’il se taise à jamais » un silence impeccable régnait dans la salle et tout d’un coup quelqu’un ouvrit les portes de l’église : c’était la mère de Bénédicte qui cria haut et fort : stop ! D’abord son retard et maintenant son objection tout cela étonnait sa fille ainsi que l’assemblée. Elle ne daigna pas importance à tout cela mais enchaina «  je suis désolé que tu sois celle qui va payer pour mes actes du passé, je sais que ce mariage était important pour toi mais c’est impossible voir même immorale de se marier à son frère ». Bénédicte n’avait jamais eu de frère mais quand Mirabelle conta toute l’histoire elle se rendit compte que Paul l’était mais aussi que leur union était impossible : c’était de l’amour fraternel qu’elle ressentait pour Paul. Ce dernier était ému d’avoir enfin une mère. Le prêtre resta figé, cela faisait plus de cinquante ans qu’il unissait des gens mais ce cas était particulier.
Bénédicte était dépassée, sa psychologie ne tenait pas le coup ; « je n’ai vraiment pas de chance en amour », finit-elle par dire tout juste avant de s’évanouir.