Ildjima

Toute histoire commence un jour, quelque part, et la mienne commence à Bedaya.
Encore bébé, vous ne pouvez imaginer sa beauté. Elle avait de longs cheveux, des yeux brillants, un nez écrasé et ses lèvres si rouges qu’on dirait teintées. Ayant aussi une tête en forme d’une chatte, Ildjima avait l’air d’être une fille dont tous les jeunes de son village rêvaient d’avoir comme prétendante. Personne n’aurait imaginé que la mince Néloumta donnera la naissance à une fille aussi florissante qu’Ildjima.
Dit-on que « derrière toute beautés se cache une chose », il semblerait qu’Ildjiman n’était pas tout à fait normale. Toute la communauté disait que cette fille est un serpent. Au fait un monstre ; sinon comment admettre qu’une fille dotée d’une telle beauté n’ait jamais eu le courage de se tenir debout depuis sa naissance ? Pourquoi ne marchait-elle jamais ? Elle devait certainement être un monstre en mission pour détruire le village.
Néloumta espérant toujours qu’un jour le temps allait lui donner raison, prenait minutieusement soin de sa fille mais avec retenue jusqu’au jour où un groupe d'hommes accompagné du chef de village, débarqua chez elle au crépuscule pour lui annoncer qu’ils allaient lui enlever son enfant pour des raisons traditionnelles.
- Bonjours Néloumta ; nous venons t’informer que demain à l’aube, Moudi viendra chercher ta chose-là. Il l’emmènera dans la forêt, devant le fleuve pour des rites. Nous verrons bien si ta fille est réellement une personne normale ou un monstre. Disait le chef du village.
- Mais... ssép ! balbutia Néloumta.
Une voix autoritaire l’interrompit :
- Stop ! comment ôdje ti interrompre le ssép ?
Au sein de cette communauté, la femme n’a pas à dire un seul mot ni à contredire un homme, Néloumta se tût. Dans ses yeux remplis de lueurs, elle attendait avec angoisse l’arrivée de cette maudite aube ou sa fille lui serait enlevée par ces assaillants, ces personnes sans cœur. Durant cette journée, la jeune maman passait son temps à contempler sa pauvre fille et à lui adresser des paroles de remords en laissant couler sur sa robe « l’eau de son pleur ».
- Hum... si seulement ton père était encore vivant, lui au moins allait dire quelque chose mais moi, je ne suis qu’une femme disait-elle à son bébé en sanglotant.
Si seulement un bébé pouvait parler, Ildjima allait certainement consoler sa maman. Mais elle n’avait pas l’âge ou le langage des adultes. La petite tentait de faire de son mieux en disant :
- Taata....tata...
Néloumta ne ferma pas l’œil jusqu’au temps indiqué, quand un homme frappa à la porte et dit :
- Ouvre ! ouvre ! c’est moi Moudi, je viens chercher la fille !
Elle serra fortement sa fille contre elle, l’embrassa, ouvrit la porte et lui tendît l’enfant. Le présumé Moudi Prit l’enfant puis reprit son chemin, direction forêt. Quant à la maman, elle repartit dans sa chambre sans dire un mot.
A l’aurore, toute la communauté se réunit devant le palais du chef pour attendre l’arrivée du vaillant Moudi, et connaître enfin la vérité tant attendue : Était-elle réellement une fille démoniaque ?
De loin, la foule aperçut un homme robuste, noir comme le charbon qui se dirigeait vers elle.
- C’est lui ! c’est lui ! c’est bien Moudi !cria la foule.
Arrivé à destination et à la question du chef de village, en réponse Moudi confirma que la petite Ildjima fut bel et bien un serpent. Il expliqua à l’assemblée qu'après avoir mélangé le sésame avec du sel, il avait mis tout autour de l’endroit où ils se trouvaient, s’était caché et l’enfant, devenu un gros serpent, suçait le sésame devant la rivière ; puis une grosse tornade apparut dans le lieu et l’enfant finit par entrer dans l’eau. Conclusion : elle était un monstre.
Étonnée par cette histoire terrifiante, toute la foule s’écria :
- Adja ! Adja !et chercha l’endroit où se trouvait la mère de l’enfant mais sans la trouver.
Le chef ordonna à ses sujets d’aller ramener Néloumta, la mère du monstre mais hélas, on la trouva morte dans sa case. Néloumta avait perdu le sens de la vie. Que lui restait-il à faire dans ce maudit monde ou elle avait perdue tous ceux qui lui sont chers ? Elle s’était suicidée.
Lorsque les missionnaires du chef de village lui donnèrent la nouvelle à laquelle Néloumta s’était suicidée. Ce dernier répondit que c’était mieux pour elle sinon, il allait lui-même s’en occuper d’elle.
Dit-on que « dans chaque homme, il y a des palettes noires » et que « chaque homme est son propre testament ». Alors, est-ce une vérité qu’Ildjima était devenu un serpent ? Était-elle réellement un monstre ? Seul Moudi, Dieu, la tornade, la forêt et le fleuve pouvaient le savoir. Mais Moudi quant à lui, n’allait rien dire jusqu’au tombeau, tornade, la forêt et le fleuve n’avaient pas de bouche pour dire ce qu’ils avaient vue et Dieu lui-même depuis lors, fait un silence radio à son peuple. Cependant, une vieille maman renvoyée de ce même village après avoir été accusé de sorcellerie, habitait dans la forêt voisine.
Ildjima fut enterrée vivante par Moudi dans un trou d’environ cinquante centimètre. C’est qu’il faisait avec les enfants présumés « serpents » dans ce village. Etant donné que le destin de l’homme est dans les mains de Dieu, Ildjiman fut sauvée par cette vieille maman, renvoyée du village. Au fait, c’était lorsqu’elle était à la quête de fagots qu’elle aperçut Moudi pendant sa scène macabre. Elle s’était cachée et après le départ de ce dernier, elle sauva Ildjima.
- Merci Nouba (Dieu) !oï-al-baï (elle n’est pas encore morte), remercie la vieille.
Elle rentra avec la fille, prit soin d’elle trois mois dans la brousse, loin de ses accusateurs et décida d’aller en ville ; si possible à pied, la petite attachée au dos. En chemin, elle baptisa l’enfant « i-i n’djilma » en langue Saar ce qui veut dire : « tu es mon âme ».
Jours et nuits passèrent. Elle avait parcourait de nombreux kilomètres vers la ville sans parvenir au terme.
Elle atteint enfin une route et aperçut une voiture de marque Toyota qui prenait leur destination. Elle souleva son index, signe pour stopper la voiture, ce qui fut fait.
- Oh ! on peut vous aider ? demanda une femme blanche en descendant de la voiture, suivi d’un homme blanc, lui aussi.
- Ma fille, je suis déboussolée.S’il te plait prenez soin de cette petite fille sans parents. Elle est de Bédaya et s’appelle « i-i n’djilma ».Ayant dit ses mots, la vieille sucomba.
Que faire face à une telle situation ? Abandonner ce bébé intrus ? Non ! Impossible d’abandonner ce bébé innocent. Le blanc est émotionnel, sensible. Le couple français Prit « i-i n’djilma » et continua son chemin. Il Prit soin d’elle et lui donna à son tour le nom de « ildjiman » puisque pour ce couple heureux, d’après le nom que leur avait dit la vielle, il y avait trop de « i ». Le blanc n’aimait pas prononcé la double voyelle. Surtout les allitérations.
Dorénavant, l’enfant prenait régulièrement ses vaccins, mangeait de bonnes nourritures et sa maladie fut découverte : il s’agissait de la « Trisomie 21 ». Ildjima marcha. Voici que le serpent, la risée du village qui dans le passé fut incapable de ramper, marchait !
Elle reçut l’éducation française, fut envoyée à l’école et décrocha son baccalauréat scientifique. Fut envoyée au Cuba par sa famille adoptive pour étudier la médecine et sortit nanti d’un doctorat, spécialiste de maladies virales. Elle regagna le bercail, et exerçait son métier jusqu’au jour où un matin, son chef hiérarchique lui annonça que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) aurait besoin d’elle d’urgence pour aller intervenir en Afrique.
- Il semblerait qu’un village présumé « Bédaya » est attaqué par le Virus Ebola.
Docteur Ildjima fut affecter dans le village pour le compte de l’OMS et y exerça son travail. Plus de mille cas furent enregistrés et sauvés. Mais elle avait la sensation qu’elle était chez elle. Un jour, elle rêva une belle femme mince et souriante venait vers elle, le Prenait dans ses bras et lui disait :
- Ma fille, tu es chez toi. Bienvenue.
Elle se réveilla dans sa chambre, sur le matelas. Ce rêve l’étonna alors Ildjima contacta ses parents adoptifs depuis France pour que ces derniers puissent lui donner des explications concernant ses parents biologiques. L’information qu’elle avait reçue :
- «tu viens d’un village présumé bédaya ». c’est tout ce que ces derniers avaient comme information.
Idjima se renseignait tous les jours, après son travail pour connaitre au moins un de ses parents biologiques. C’est ainsi qu’elle me rencontra dans une bibliothèque régionale, et je le reconnus grâce à un signe d’enfance quelle avait au front. En plus de ce signe, Ildjima n’avait jamais perdu sa parure d’enfance. Entre temps où elle fut bébé, je n’avais que trois ans. Moi aussi ayant appris la nouvelle à la quelle Moudi devrait l’amener loin, dans la forêt, je ne me suis jamais endormi ce jour-là. J’ai voulu là sauver mais que pouvait faire un gamin de trois ans devant un homme aussi robuste que Moudi ? Je suivais de près da scène monstrueuse mais dès que je vis la vieille maman, j’avais pris la poudre d’escampette de peur qu’elle me mange moi aussi. En ce moment ou je vous narre cette histoire, moi et Ildjima avions un hôpital dans cette localité où nous sauvions plus de mille filles mères par année, victimes de césarienne.