Trois semaines d'enquête sur le terrain, deux mois de recherches préalables, des indicateurs par poignées, et je ne parvenais toujours pas à mettre la main sur ne serait-ce que le début de la ... [+]
Dans le brouhaha de cette fin de repas, un quartier de pomme oublié sur la table se demande bien ce qu’il fait là jusqu’à ce qu’une petite voix attire son attention.
– Hé ! Hé !
Il se tourne en essayant d’éviter la fourchette voisine, mais sans succès. Alors il se pique, et il jure. C’est quelque chose de très grossier, car les pommes, surtout en quartiers, n’ont absolument aucune éducation.
– Hé ! Hé ! recommence la petite voix.
Et le quartier de pomme, ça l’énerve, cette insistance. Il la juge déplacée. Si au moins cette voix utilisait son nom pour le héler. Son nom avec Monsieur, devant ? Mais non : juste « Hé ! Hé ! ». Pourquoi pas « Truc » ou « Machin » pendant qu’on y est ?
– Je m’appelle Aristide, se décide à hurler notre quartier. De pomme. Aristide de Pomme !
– Et moi Blasilla, lui renvoie aussitôt la petite voix.
– Je m’appelle Aristide, comme tout le monde – il appuie fort sur le tout le monde - le sait, répète Aristide. Et toi, Blasi... je ne sais quoi, d’où sors-tu donc, que je ne te connais pas ?
– Blasilla, Monsieur Aristide, fait une petite voix moqueuse. Blasilla, et je suis la papilllotte oubliée là, juste derrière vous.
La nuit est venue, personne n’a plus approché la table. Aristide et Blasilla peuvent parler sans crainte d’être surpris ou, pire encore, surpris et mangés.
Et maintenant qu’ils sont seuls, ils se taisent. Blasilla ne fait plus « Hé ! Hé ! » ; Aristide ne réclame plus le respect qui, selon lui, lui est dû.
Quand ils n’ont rien de particulier à dire, Aristide et Blasilla se taisent.
Quand ils sont seuls dans le noir, Aristide et Blasilla se tiennent cois.
Blasilla et Aristide sont tous deux très sages et, même secoués par l’éternuement soudain de la fourchette, ne manifestent rien.
Et quand la petite fille arrive, au beau milieu de la nuit, avec sa lampe électrique et sa faim de loup, ils n’ont pas parlé depuis si longtemps qu’ils crient tous les deux en même temps :
– Moi d’abord !
Et la petite fille ne sait plus quoi faire de sa faim, elle qui ne mange que des nourritures silencieuses et quelquefois sucrées.
Au petit matin, Aristide et Blasilla finissent par s’endormir enfin.
– Hé ! Hé !
Il se tourne en essayant d’éviter la fourchette voisine, mais sans succès. Alors il se pique, et il jure. C’est quelque chose de très grossier, car les pommes, surtout en quartiers, n’ont absolument aucune éducation.
– Hé ! Hé ! recommence la petite voix.
Et le quartier de pomme, ça l’énerve, cette insistance. Il la juge déplacée. Si au moins cette voix utilisait son nom pour le héler. Son nom avec Monsieur, devant ? Mais non : juste « Hé ! Hé ! ». Pourquoi pas « Truc » ou « Machin » pendant qu’on y est ?
– Je m’appelle Aristide, se décide à hurler notre quartier. De pomme. Aristide de Pomme !
– Et moi Blasilla, lui renvoie aussitôt la petite voix.
– Je m’appelle Aristide, comme tout le monde – il appuie fort sur le tout le monde - le sait, répète Aristide. Et toi, Blasi... je ne sais quoi, d’où sors-tu donc, que je ne te connais pas ?
– Blasilla, Monsieur Aristide, fait une petite voix moqueuse. Blasilla, et je suis la papilllotte oubliée là, juste derrière vous.
La nuit est venue, personne n’a plus approché la table. Aristide et Blasilla peuvent parler sans crainte d’être surpris ou, pire encore, surpris et mangés.
Et maintenant qu’ils sont seuls, ils se taisent. Blasilla ne fait plus « Hé ! Hé ! » ; Aristide ne réclame plus le respect qui, selon lui, lui est dû.
Quand ils n’ont rien de particulier à dire, Aristide et Blasilla se taisent.
Quand ils sont seuls dans le noir, Aristide et Blasilla se tiennent cois.
Blasilla et Aristide sont tous deux très sages et, même secoués par l’éternuement soudain de la fourchette, ne manifestent rien.
Et quand la petite fille arrive, au beau milieu de la nuit, avec sa lampe électrique et sa faim de loup, ils n’ont pas parlé depuis si longtemps qu’ils crient tous les deux en même temps :
– Moi d’abord !
Et la petite fille ne sait plus quoi faire de sa faim, elle qui ne mange que des nourritures silencieuses et quelquefois sucrées.
Au petit matin, Aristide et Blasilla finissent par s’endormir enfin.