Éther

Toute histoire commence un jour, quelque part. On ne sait jamais comment ni quand ça finira. Mais on s'imagine comment cela peut arriver. Moi je l'avais voulue heureuse mon histoire. Sans avarie sans accroche. Sans litige sans casse pied. J'en aurais gardé un souvenir délicieusement magnifique. J'aurais passé chaque tierce de temps à la contempler, à la méditer. J'en aurais fait une scène d'amour. Elle aurait été semblable à cet apollon charmeur. Je l'aurais touché. J'aurais senti ces poils se dresser, son pouls s’accélérer, son corps frissonner. Je lui aurais tout murmuré d'une voix intense, douce et muette pour ne pas les voir s'envoler ou le vent me les voler ; les cantilènes, les pensées, les désirs, les promesses. Mon histoire je l'aurais voulue aussi paradisiaque que le repos éternel auprès de mon DIEU, aussi idyllique, chaude et réconfortante que le câlin de maman, femme douce au cœur adamantin, à la tendresse féerique, à la beauté céleste.
Quoi qu’on dise une histoire, d’amour, n'est qu'une expression à qui chacun selon son vouloir attribue un sens. De ce que j'en dis c'est une fiction dont le sentiment rend tout être particulier et nous rapproche du divin. Il insuffle le bonheur et la joie, le plaisir et l'extase, le bien-être et la quiétude. C'est le seul qui donne envie de tout donner et de totalement se donner. C'est le seul qui fasse fi des défauts et des inégalités. C'est le seul qui crée l'espoir. Un espoir aussi solide que le graphène aussi dur qu'un métal carboné. C'est le seul qui se complaît à nous piéger dans un monde mirifique. C'est le seul qui nous fasse accepter toutes sortes de tortures, toutes sortes de mélasses. C'est le seul qui orchestre le sacrifice de soi pour le bénéfice de l'autre. Je me rappelle encore de ces instants où seule elle était ma compagne. A elle je me confiais, m’abandonnais. C'était ma plus belle harmonie, la plus belle partition que j'eus l'honneur de jouer, ma symphonie, ma vénusté. C'était une idylle dont même les dieux n'auraient pas eu le privilège de se délecter. Je la prenais pour la vie, la comblais, l'aimais pour que toujours elle sourit. Je lui aurais donné volontiers mon âme si elle put sauver la sienne. Suffisant apophorète. Ni les 10 rois, ni les 100 vierges qui avec un luciférien plaisir se moquaient, ricanaient, riaient malicieusement n’auraient accablé la fable chevaleresque de ma belle et moi. Entre elle et moi c'était feu et glace, l'amitié n'avait pas sa place. Et Chaque fois qu'on s'embrassait, je ressentais la douceur de sa face. Son cœur courait quand je trottinais sur ses lèvres. Ses peurs lourdes s'envolaient dans l'éther, son ton sourd murmurait en moi la santé de fièvre. J’étais fourbe quand elle faisait la fière. Que j'aimais sa fièvre, douceur envoutante ! Je n’étais point empressé, je laissais le poison agir. Elle n'avait pas à acquiescer, je savais en ses émotions lire. Elle était moi, mon émoi, mon toit et moi j’étais elle.
Ce sentiment est toutefois comparable à une adsorption, dépôt de substances solides à la surface de composés liquides. En parcourant les tréfonds d’une vie bien antérieure, je constatais que ce phénomène s'y effectuait de manière exponentielle. Le complexe que formaient les sentiments du beau et de la belle, se dissolvait par l'action des incompris et des attentes insatisfaites. Ils avaient lutté hélas en utilisant comme catalyseur la compréhension et la patience. Mais la constance de vitesse de la réaction leurs fit réaliser que la réaction avait déjà atteint son seuil. Les réactifs ont donné un seul produit : la rupture. Ne restait plus qu'à centrifuger afin de séparer le filtrat de sa liqueur mélancolique. Et par la suite prendre un nouveau départ. On espère pourtant que rien ne change. Que tout reste prose. Que tout demeure idyllique. Que les heures à converser subliment toujours nos journées. Que les sujets, plus émoustillants les uns par rapport aux autres, décrivent la magnificence de nos personnalités et entrevoient ces projets d'avenir que nous voulons communs. Aujourd'hui s'en est devenu autre. L'espoir fait place au désarroi. Dans son intronisation, le silence s'en fait successeur. L'inquiétude quant à elle se fait suppléante de l’ineffable silence. La prose est devenue amère fable. On espère vraiment que rien ne change. On espère vivre le plus beau péché. On espère contredire l'exactitude que un plus un font deux. On espère que les ravages du "toi et moi" fassent mieux que la bombe de Nagasaki. On espère qu'on se tienne la main pour se rassurer mutuellement du bonheur immense qu'à petite cuillère nous dégustons. On espère voir les créatures angéliques, fruits de l'union enivrante et passionnée que nous nous attelons à concrétiser par nos moments d’ébats. On espère se voir, comptant l'un à l'autre les rides que le temps animé de jalousie déposerait chaque jour sur nos visages. On accepte que même la mort éprise de vanité nous arrache l'un à l'autre car seul notre amour perdurerait. Ah oui ! L’espoir ! Nous l’avions tant cultivé. Nous nous en étions tellement revêtus ! Nous en voici aujourd'hui dénudés. Comme à notre naissance. Sans envies sans désirs. Pleins d’abnégations, pleins de tourments. Tout autour de nous nous est nouveau si ce n'est singulier. Cette personne qui te fixait jadis avec tant de passion et de désir t'est devenue aussi inconnue que le lointain au loin à travers les horizons.
Mon père me dit pourtant un jour, ne sors jamais avec une fille que tu as rencontrée la nuit. Aujourd’hui je me dis qu'il a bien raison, au réveil elles jettent leur douceur, leur haleine et leur beauté dans un puits, un puits sans fond, un arbre sans tronc. Ma mère m'a exhorté, à la chasteté. ''Au moins protège-toi '' disait-t-elle. Le monde a changé. Oh maternité ! Je suis le produit d'un amour cruel. J'ai entendu vos dires, je sais que je suis iconique. Méfie-toi des sagesses, qui masquent le massonique. Croix de bois, croix de fer si je mens je vais en enfer. Mon secret, mon enfer, c'est que mon âme est solitaire. Homme pieux aux pensées libertines, j'ai tellement étudié les reines que j'ai une pensée androgyne. Je ne te convaincrai pas, tu vois bien que je suis sec. Pourtant j'ai nagé des fois ! La logique te ferme les yeux, ce n’est pas de ma faute si tu es limitée. C'est magique d’être un vieux, quand on vit dans un monde d’insanités. Le péché assaisonne la vie. Dommage car la vie ennuie ! Alors on fait ce qui est instinctif : excès de plaisir, diabète nocif, voluptueuses sirènes sur le récif qui attirent les faibles et les envieux. L'orgueil est là, qui peut rester vif ? Sache que la vérité n'est qu'à Dieu. J'ai écouté les conseils de ceux qui m'ont vu, et le tien aussi. J'ai pris ta sagesse car tu sais ce qu'est d’être rébus, oublie ces soucis. Toi tu as été vraie envers toi-même, j'aurais dû le faire plus tôt, mais le temps qui m'a mis en miette, m'a enseigné sur la rétro. Mon père et ma mère ont su instruire mon esprit. Mon Dieu m'a ressuscité quand j'étais un psychopathe à la dérive. Tout ceci est ma rétrospective, amalgame de mélasses sombres de sensations irritées.
Face à cette maléfique bourrasque romanesque, à la douleur, aux chagrins, aux peines, aux déceptions, aux incompréhensions, aux adieux, aux regrets et aux amours échoués, je me dis souvent :
Si seulement le cœur pouvait être une ardoise nous passerions un coup d'éponge et effacerions toutes les douleurs pour laisser place à un cœur propre sans douleur,
Si seulement le cœur pouvait être cette rivière qui par sa coulée emporte tout sur son passage, elle emporterait les peines et les regrets pour donner place à quelque chose de nouveau,
Si seulement le cœur pouvait être un disque dur, ainsi nous y supprimerions tout ce qui fait mal et ne garderions que les heureux souvenirs comme de précieuses reliques,
Si seulement le cœur pouvait être une application où les messages disparaissent instantanément, ainsi les douleurs pourraient disparaître au fur et à mesure que le temps passe,
Si seulement le cœur pouvait remonter le temps, ainsi nous éviterions de rencontrer certaines personnes et de vivre ce que nous avions vécu,
Si seulement le cœur pourrait fonctionner comme une application Bluetooth ainsi le beau ou la belle ressentirait la douleur ressentie face aux actes, aux actions, aux tromperies, à l’indifférence, au manque de respect et à l’inattention de l’un comme de l’autre,
Si seulement le cœur pouvait être ce qu'il n'est pas, mais malheureusement il est tout simplement ce qu'il est et ce sont les douleurs les blessures qui nous font nous sentir humain. Et aussi douloureuses qu'elles soient, nous ne pouvons rien faire d'autre que de vivre afin de manager notre vie, manager nos sentiments, garder la tête haute, avancer quelques soient les obstacles que nous rencontrons et sourire à la vie.
Je consigne tout par des mots, ce passage bien que triste et amère de souvenirs. Là encore mélancolique drame, déplaisir agaçant, le sens que je leur donne n'a jamais été perçu comme tel. Il a comme à l'accoutumée désigné un sens bancal. Un sens contraire à mes idées. Un sens cinglant. La conséquence en ai que je manque d'air. Je manque vraisemblablement de ce nécessaire qu'on les autres pour se faire entendre comme ils le souhaitent vraiment. Je ne suis né ni de Molière, ni de Descartes, ni de Shakespeare pour savoir aussi bien manier le savoir parler, le savoir penser, le savoir écrire. Mais à tout venant il est des mots qui devraient se percevoir aisément. Je plonge aujourd'hui encore une fois dans cette volute d'asthme. Je revis ce cotillon infernal. Ça y est mesdames et messieurs faites place à l'abysse tyrannique. Viendra-t-il le jour ou grâce aux mots je renaîtrai ? Grâce à eux le tréfonds de mes peurs et peines me ragaillardira-t-il de plus belle ? Serait-ce juste de ne pas leur rester fidèle? Serait-ce juste une fois encore de leur laisser mes mots prendre le sens qui n'est pas leur? Je voudrais tant exprimer le mécompte, la contrariété que j'éprouve. Hélas ce ne sera qu'un moyen de m'engouffrer encore dans cette spirale. Par ces mêmes mots je ne saurais ni comprendre ni m'excuser. Il est des gens qui par me connaître devraient capter la profondeur de mes mots. Hélas la connaissance d’autrui n’est que factice axiome. Je n'en fais pas une polémique. J’observe une pénitence. Je n’en fais pas un esclandre, je vous quitte avec prestance. Sans faire de bruits je brise cette alliance. Ni cacophonie ni tintamarre. J’efface mes mots, je supprime mes traces, embrasse ma liberté, je tire ma révérence.