Et si j’avais un peu plus aimé mon père

Marie WADE, écrivaine auteure du recueil de poèmes ''Le cri du vieux muet''. Amoureuse des lettres, j'aime laisser ma plume jouait avec les mots.

Toute histoire commence un jour, quelque part, un simple bonjour, par un visage qui nous semble familier dans une foule monstre, par un oui j’accepte, ou un baiser, le dernier d’une vie, un déclic et tant d’autres choses. Pour moi, tout à commencer le jour où, bébé, mon père me tenant dans ses bras m’avait regardé intensément afin que son regard soit à jamais gravé en moi. Mon frère vient d’appeler de l’hôpital. Papa venait de rendre l’âme. Après maman Louise, toi aussi. J’ai laissé glisser le téléphone et je l’ai fixé longtemps d’un mauvais œil jusqu’à ce que mon mari mis au courant vienne me tapoter l’épaule. Le contact de sa main tiède me ramena aussitôt sur terre. Je me suis dégagée et je l’ai regardé sans vraiment le voir. Il avait le visage des grands jours de tristesse. Je les laissé planté au milieu de notre chambre. Et je me suis mise à la ranger, notre chambre. J’ai toujours apprécié avoir un minimum de désordre au tour de moi. Je m’entête à dire à tout le monde que je me sentais humaine ainsi. A vraie dire, je suis si occupée à rêvasser tout le temps, que beaucoup de choses m’échappent. J’aurais tellement aimé à cet instant, m’évader dans mes rêves que je n’aurais jamais entendu mon téléphone sonner. Pourquoi les rêves ne venaient-ils pas ? Peut-on être aussi lâches ? Pour la première fois de ma vie, j’étais concentrée. Je fis notre lit, et je réussis à ranger le linge propre que je venais de plier. Je remettais ensuite à leur place tous les livres que j’avais entassé sur ma table de nuit. J’espaçais nos chaussures au millimètre près sur l’étagère. Je sortis prendre l’aspirateur puis le ramena dans notre chambre et l’alluma. Le bruit qui en sortait, meubla le silence. Cela me fit du bien. Je portais toute mon attention à cette machine qui ronronnait. Je n’aurais pas arrêté si mon mari ne me l’avait pas retiré des mains tout doucement. Une fois ce satané silence revenu, il s’était mis à parler. A vraie dire, je n’arrivais plus à entendre grand-chose, je ne voyais que ces lèvres bougeaient. Mon père était mort. Pendant une seconde, j’ai regardé mon mari et j’ai pensé à cela. J’ai refusé d’accepter la vérité. J’ai inspecté notre chambre, tout était à sa place. Je pris mon sac à main et les clés de la voiture et sortis de la chambre. Une boule me serrait la gorge et mes yeux secs picotaient. Je ne pleurerais pas, je le sais. Je me retrouvais nez à nez avec mon fils en ouvrant la porte de notre maison. A sa mine joyeuse, il ne savait pas encore. Comprenait-on la mort à son âge, six ans. Je le pris dans mes bras et le serra fort contre moi en à l’étouffer. Son corps m’a rappelé le mien blottit contre mon père. Et la terrible réalité de ce qui venait de se passer dans ma vie me rattrapa. J’ai tenté d’être insensible et surtout de ne penser à rien. Mais mon fils m’a rappelé mon père. Il sentait la mer et la lavande. Il me serra encore plus fort. Ils nous aient déjà arrivés de nous serrer ainsi auparavant. Tout l’amour que nous avons l’un pour l’autre était si merveilleux. Moi aussi, tout comme mon père, lorsque les infirmières avaient mis mon fils sur moi, je l’avais regardé intensément. Je m’étais perdue dans ses yeux noisette et je ne pouvais décoller mon regard de ce tout petit être. Aucune larme ne voulait venir tant mieux. Je n’aurais pas aimé que mon fils me voit en larmes. Il s’est dégagé en premier et m’a souri. Je lui ai dit que je l’aimais énormément et qu’il était l’amour de ma vie, tout ce que j’avais de plus cher au monde. Comprenait-il la portée de tout ceci ? A son âge, je crois que oui. Je le poussais vers son papa qui nous regardait depuis un bout de temps. Il prit notre fils dans ses bras, il s’était aussitôt blottit contre lui. Sûrement il pleurait comme cela lui arrivait quand je lui disais que je l’aimais énormément. Un jour qu’il l’avait fait, nous l’avions installé entre nous et nous lui avions demandé pourquoi pleurait-il. Notre fils entre deux hoquets et un reniflement nous a dit qu’il ressentait dans son cœur des choses indescriptibles et qu’il nous aimé tant. Ce jour-là, j’ai su que mettre au monde un enfant c’était vivre chaque jour avec un bout de votre cœur à l’extérieur. Mon mari me tendit son bras libre, mais déjà je refermais la porte derrière moi. Notre fils ne méritait pas cela.

Je sortis la voiture de l’allée en marche arrière en faisant bien attention à notre boîte aux lettres qui était tant penché que je croyais toujours que plusieurs lettres m’y attendaient. Puis je me suis lancée du côté opposé de l’hôpital. Que pourrais-je bien y faire à présent ? Si seulement, je pourrais y retrouver mon père. Même malade. Je roulais vers l’ouest. Au dehors, le ciel était brumeux, et la ville semblait irréelle à mes yeux. Tous ces gens que je dépassais ne savaient pas que mon père était mort. Il n’en avait que faire. Plus personne ne me protégerais pensais-je. Qui aurait mon temps à présent et surtout la patience de m’aimer ? Qui ? J’eu soudain peur de tout ce qui pourrait m’arriver. Il aurait suffi de savoir mon père vivant, même au bout du monde pour traverser la rue sans m’inquiéter, pour ne pas aimer être à la place de la personne qui aurait osé me faire de la peine parce que je saurais que mon père m’aurait protégé de tout. Il aurait suffi, de le savoir vivant, pour ne pas avoir le sentiment d’étouffer dans la voiture même avec une vitre baissée à moitié. Et que dire de mon cœur, il me semble déchiré de tout part tant je souffre, tant je suffoque. Oh combien j’ai aimé t’entendre dire en tout temps à mon frère vivons tant qu’il est temps et que chaque seconde soit à nous. Il se mettait toujours à rire après sans retenu, puisqu’il fallait bien profiter de chaque seconde. Tout comme j’aurais laissé ronronné l’aspirateur tout à l’heure à jamais, j’aurais roulé avec la voiture indéfiniment si je ne m’étais pas retrouvée au parc où, petite je me rendais avec mon père. Je me garais un peu en retrait pour n’être vu de personne. Du regard j’ai cherché le banc sur lequel il s’asseyait toujours pour nous regarder jouer mon frère et moi. Puis je l’ai revu, mon père, sur ce banc, faisant mine de lire son journal, mais en vraie nous surveiller page après page. Affaiblie par le chagrin, et le fait d’être revenue ici, je pleurais enfin. J’aurais aimé ressentir de la colère et jeter tout ce qui se trouvait à portée de ma main. Je me sentais juste misérable. Je n’avais même pas pu empêcher l’ange de la mort de venir prendre mon père. Il avait passé toute sa vie à me protéger de tout et de rien et lorsque ce fut à mon tour de lui rendre la pareille, j’ai été incapable de le faire. Je me suis mise à crier toute seule dans la voiture, à cogner ma tête contre le volant, à me griffer le bras afin de pouvoir honorer la mort de mon père. Je pleurais parce qu’il était partit pour de bon, je ne pouvais cesser de le faire parce que je ne reverrais plus l’homme de ma vie. Pendant toute ma vie, j’avais prié pour mourir avant lui, parce qu’il m’était impensable que les choses se passent autrement. Mon pauvre papa qui à présent était déjà loin de moi, recouvert d’un drap blanc attendant de faire son dernier voyage parmi nous. J’aurais aimé aller le secouer pour qu’il se réveille, lui dire que je serais à présent plus que la fille qu’il rêvait d’avoir. Je sais que tu m’aurais répondu mais tu es déjà tout ce dont j’ai toujours rêvé. Mais s’il te plaît, redis la moi cette réponse. Ou tiens, nul besoin de parler, prend moi juste dans tes bras. Je relevais la tête pour à nouveau regarder notre banc. Je trouvais l’ange de la mort bien lâche. Ah, s’il m’avait demandé, s’aurait été moi et pas toi. Et jamais quelqu’un d’autre d’ailleurs, qu’il aille jardiner, se refaire une beauté, tout sauf ôter la vie à quelqu’un.

12 février

J’aurais aimé avoir plus mal, mourir même à cause de ce chagrin. Te réveilleras-tu enfin ? Je crois que les aurevoires les plus inattendues sont ceux que l’on a plus du mal à oublier. T’ai-je assez dit que je t’aimais papa ? T’ai-je assez dit combien tu comptais énormément pour moi ? Qu’est-ce à présent tous ces moments où nous avons été séparés ? J’aurais aimé être une personne qui ne peut penser ou tout simplement avoir des ressenties. Oui, j’aurais aimé que tout passe sans m’atteindre. Je serais papillon ou abeille. Je bitumerais de fleurs en fleurs. Pour la beauté de voler et d’être libre. Mais aussi, pour m’occuper l’esprit en travaillant. Je serais si occupée dans un champ de lilas, de tournesol, de pommier que rien qui me peinerait n’aurait plus d’importance. Je voltigerais dans le ciel, au son des gazouillis d’oiseau, le vent m’emporterait vers des terres de joie. Où tous aspirent à faire de chaque jour quelque chose de merveilleux. Où la triste réalité de la vie ne me rattraperait jamais.

12 février

Vouloir n’est jamais suffisant m’as-tu toujours dit. Depuis l’appel de mon frère j’ai voulu profondément qu’il rappelle encore pour dire que rien n’était vrai. Mais cela ne doit pas être assez, parce qu’il n’a pas encore rappelé et que tu es bien mort papa. Je suis le martyre de ma propre peine parce que je sais que ressasser les souvenirs ne servirait à rien. Je suis sûre que tout le monde me dira que je devrais aller de l’avant. Mais est-ce eux qui ont perdu leur père ? Comment sauraient-ils ce qui peut être le mieux pour moi ? Ces gens dont la présence inévitablement me gênera dans une telle circonstance. A-t-on idée de croire qu’une personne dans le malheur qui la frappe a besoin de voir du monde ? Je veux pouvoir pleurer seule mon père. Etre libre de me rouler par terre, de m’allonger auprès de sa tombe, de cogner le mur sans que personne ne me demande si ça va, ou de me dire que tout ira bien tout simplement. Tout cela ne me rendrait pas mon père vivant. Je ne pourrais même pas être seule avec toi une dernière fois papa. Est-ce trop demander ?

Il faisait à présent bien nuit. Il fallait bien que je rentre à la maison. Mon mari m’attendait. Il vint à moi et me porta dans notre chambre sans broncher. Je n’aurais pas supporté de l’entendre dire un mot. Il l’avait deviné, comme toujours. Il me posa sur notre lit. Je voyais bien qu’il ne savait que faire. Il était sur le point de partir. Je le retins, et tout contre lui, je pleurais encore. Je sanglotais, impuissante. Je ne voulais pas le peiné aussi. Je m’étais promis de toujours être à la hauteur pour lui. Mais pourquoi pensais-je à être à la hauteur ? Etre à la hauteur de quoi à vraie dire ? Je devrais peut-être arrêter de penser. Mon mari me serra encore plus fort contre lui. Je relevais la tête, chercha ses lèvres et nous nous embrassâmes. Avec rage puis tout doucement. Il me déshabilla, puis en fit de même pour lui. Il me fit l’amour tout aussi lentement comme s’il avait peur de me briser ou que je fonde dans ses bras. Je n’aurais jamais imaginé faire l’amour le jour de la mort de mon père. Cela m’apaisa. Et s’il était en ce moment dans ma chambre, que penserait-il de moi ? Pour la première fois de la journée, blottit dans les bras de mon mari, je lui ai dit que je l’aimais, mes derniers mots. Il tira la couverture sur nous et me promis qu’il sera toujours là pour moi. J’espérais bien que moi aussi. Je pu enfin fermer les yeux. Et si je t’avais un peu plus aimé ? Es-tu bien mort papa ? --

05 janvier

Sale temps. Il pleut des cordes depuis hier. De ma fenêtre, j’arrive à voir de l’autre côté de la rue l’hôpital. Dès la première fois où je suis rentré dans ce café, j’ai préféré cette table me permettant d’avoir l’imposant bâtisse à l’œil, afin de pouvoir te tenir compagnie. Je sais qu’il me faudra prendre une décision après avoir lu cette dernière phrase inachevée de toi. Il le faut bien. Je déposais quelques pièces sur la table, me leva difficilement, les os craquant sous le poids de l’âge et me dirigea vers la sortie. J’avais encore une dernière chose à faire. Je venais de me fondre dans la masse de gros manteau et chapeaux d’hiver. Et tout comme eux je faisais fi de la pluie plus fine soudain. Mains gantés dans les poches, je marchais aux rythmes d’une personne à qui l’on a changé le cœur. Chaque pas m’essoufflait. Mais cette exercice m’aidait à ne pas penser. La vie n’est faite que de choix à faire et de décisions à prendre. Et lorsque ceux-ci nous touchent, nous nous laissons le plus souvent dicté par notre cœur. Mais tout change lorsqu’il s’agit de le faire pour les autres. Surtout si tout le reste d’une vie d’une personne ne dépend que de votre oui ou non. De toute ma vie, je n’ai jamais eu le choix. Tout ce que je savais c’est que je pouvais m’adapter à tout dans certaines situations. Mais il y a toujours quelqu’un qui te dira oh, mais décide toi à la fin, quelqu’un pour te forcer et qui veut bousculer l’ordre des choses. De nature calme, je prends toujours la vie comme elle se présente et vivre à mon rythme m’a toujours réussi. La pluie s’était enfin arrêtée. J’ouvrais un peu mon manteau et laissé le vent frais me chatouillait. Je pouvais m’autoriser cette petite folie, mon nouveau cœur n’en souffrirait pas. Perdu dans mes pensées, je du bien relever la tête pour voir si je ne m’étais pas égaré dans la ville. Que nenni, mes pas m’avaient mené au-devant des cimetières. Les tombes au loin me parurent très austères lorsque je refermais les grilles derrière moi. Et dire que je leur ai fait faux bond. Je ne saurais jamais ce que cela fait de mourir. J’étais à deux doigts de la vivre consciemment cette mort sur ce lit d’hôpital. Une rumeur muette animée le cimetière, mais les tombes tantôt austères l’étaient moins à présent. J’aurais dû acheter des fleurs aussi. Ma louise aimait les lilas. Je m’asseyais près de la dalle de ma bien aimée qui m’a quitté très tôt. Ah, qu’elle était belle et rayonnante ma Louise ! Je sortis de la poche de ma veste une vieille photo jaunie par le temps où tu me souriais dans ta robe froufrou qui cachait tant bien que mal ton ventre. Quelques jours avant ta mort. Cherchais-tu à te racheter en me laissant seul au monde avec nos deux enfants ? Aurais-je était plus heureux sans eux, sans rien qui me rappellerait la femme de ma vie ? Non je ne pense pas. Je me suis promis tout au long des années passées de ne point revenir t’importunée Louise. Mais tel un amoureux au cœur brisé qui inévitablement retournait voir son amour, mes pas me mène toujours à ta tombe. Je ne peux m’empêcher d’être triste et si mon corps rejette mon cœur à cet instant, il me retrouverait mort ici. Je n’aurais plus à prendre de décisions pour notre fille. Les médecins voudraient bien la débrancher, mais j’ai toujours su que je leur dirais non. Si notre fils n’avait pas tenu tête à l’hôpital, j’aurais été six pieds sous terre en ce moment, à tes côtés ma Louise.

Notre pauvre fille te ressemble tant. Si seulement elle savait que son vieux père n’est pas mort. Et Si seulement elle n’était pas dans le coma. Nous aurions tous les deux refait le monde avec moins de si ma Louise.