Découverte

Lecteur de poésie, d'histoire fantastique Sur les rives de Loire se trouve ma demeure Là où les châteaux, ces bâtiments historiques Ont poussé jadis comme la plus belle des fleurs

Toute histoire commence un jour, quelque part, le plan est posé, la route tracée, le hasard oublié.
Toute histoire commence un jour, quelque part, et se poursuit dans les songes de celui qui l’a créée
Toute histoire commence un jour, quelque part, un héros prend vie, affrontant sa destinée.

Malchanceux est celui qui partage ma peine, celle d’ignorer son passé, et de ne savoir où aller. Orphelin de mon état, j’ai parcouru la ville et les champs environnants. Messager aujourd’hui, ouvrier demain, j’ignorais alors ce que serait mon futur. Garçons et filles de mon âge ne partageaient pas ce questionnement, et suivaient inlassablement ce que leur disaient leurs parents. Chacun a une route bien tracée, chacun a un métier auquel se rattacher.

Et moi j’étais là, fils de qui ? Héritier de personne. Une mère trop vite partit, un père trop vite occit, laissé seul dans un lieu béni. Élevé par des pages à l’art de la plume, j’appris vite à partager mes récits. Mais l’enseignement prit fin le jour où ils apprirent que mes histoires ne prenaient pas sources dans leur vieux grimoire. Châtier et jeter pour expier mes péchés, je fus seul dans la rue, et elle m’ouvrit les bras. A l’âge de 10 ans, je vivais seul. Quelque fois, d’autres enfants, aussi malchanceux que moi, me tenaient compagnies durant un temps, jusqu'à ce que les aléas des petits travaux nous repoussent vers la solitude. J’errais ci et là, offrant mes services pour une bouchée de pain, quémandant souvent de quoi subvenir à mes besoins.

C’est en cette période sombre que j’assistais pour la première fois à une représentation de théâtre. Un honnête monsieur, ma foi fort gros, avait par mégarde fait tomber son ticket, et j’avais saisi l’occasion de pimenter un peu ma journée. Ces hommes et ces femmes, incarnant leurs personnages, partageant ensemble une histoire qui ne leur appartenait pas. Leur mouvement, leurs paroles, tout me semblait si spontané, ils vivaient devant nous une vie banale, et nous autres, spectateurs, ne trouvions rien de mieux que de regarder. Ceux qui, quelques heures auparavant, détournaient le regard devant mes supplications, observaient avec engouement cette jeune demoiselle mendier un don. Pourquoi ?

Fort de mon incertitude, je me décidais à questionner les acteurs, et leur réponse donna plus de poids à mes ardeurs. On me conta leur histoire, proche de la mienne. Ne voulant pas suivre leur destin, nombreux sont ceux à avoir changé de chemin. Mais personne n’accepte ceux dont les parents n’ont pas su former les descendants. Ne pouvant faire ce qu’ils souhaitaient, ils décidèrent de jouer ce qui leur plaisait. Ainsi naquit cette troupe, dans laquelle je voulus rentrer. Ainsi naquit ma carrière, un avenir inespéré.

Toujours sur les routes, entre deux villes, j’apprenais les ficelles des métiers de la scène. J’appris à coudre les costumes, j’appris à créer les décors, à faire lire sur mon visage les peines et les remords. Quelques textes passaient entre nous, et je découvris avec passion ce que nous réciterions. Seulement, la mémoire n’était pas mon fort, et même en redoublant d’efforts, je ne parvenais pas à me souvenir. Je passais mes nuits à lire, mes journées a réciter, tout ça pour que le soir les paroles soit oubliées. Mais que faire ? Aucune technique secrète n’existe pour celui qui ne fait qu’omettre. Mais à tout problème existe une solution, et ce fut avec Doug que je trouvais mon pardon.

Doug était le seul à suivre le chemin, le seul à suivre des parents les desseins. Depuis tout jeune, il se pavanait sur scène, donnant la réplique aux autres sans gêne. Mais, en 20 ans de métier, il avait fait le tour de toutes les pièces que l’on joue en ce jour. Lassez de faire et refaire, il s’est décidé de donner un peu de place au hasard. Je décidais donc de l’accompagner lors de ses spectacles improvisés. Le public aimait, mais avant tout, le public participait. C’était une première, dans l’art théâtral, que de donner les paroles aux spectateurs. Ils nous donnaient des phrases, des thèmes, des questions, et nous jouions devant eux ceux que nous inspiraient leurs paroles. Tantôt bucherons, tantôt voleur, tantôt marin, tantôt rétameur, nous incarnions tout le monde, et les rires résonnaient encore dans nos oreilles quand nous saluions l’assemblée.

Après notre passage, le public était calmé, tous leurs soucis avaient fui devant notre humour non sans ironie. Nous laissions alors notre place à nos camarades, présentant alors une histoire plus construite, plus posée, plus réfléchie. Et rapidement nous sombrions dans l’oubli. Nous n’étions que le début du spectacle, ceux qui donnent au public envie de rester. Nos compagnons finissaient notre travail, donnant au public envie de revenir.

Notre renommée grandit aussi vite que ma fierté. Au fil des années, notre groupe gagna en efficacité. Cette troupe était ce qui m’avait sortie des sombres rues pour me projeter sur les devants de la scène. Mais nos actions pesaient sur le cœur de certain, qui ne tardèrent pas à nous discréditer. « Ils ne savent pas ce qu’ils font » disaient les uns, « Moi aussi je raconte des histoires, le dimanche après-midi, ils n’ont rien de spécial » disaient les autres. Mais ils ne comprenaient pas... Ils ne se rendaient pas compte du travail à fournir quand toute l’assemblée refuse de rire... On souhaite pleurer, on souhaite fuir, mais l’honneur d’acteur nous pousse à poursuivre... On travaille les gags, on étudie les rimes. C’est peut-être de l’improvisation, mais elle nécessite bien plus de préparation que toutes autres représentations... Être prêt, à l’affut de la moindre opportunité. Savoir dans quelle direction donner à la pièce, et savoir où il ne faut pas aller.

Ils ne comprenaient pas, et je n’étais pas patient, si bien que très vite, je me fus violent. Réaction hasardeuse qui me poussa devant la justice du roi. Quelques mots mal placés à quelque noble haut placé firent de moi un condamné. Par chance, les gardes appréciaient mon œuvre, et me laissèrent avoir des feuilles et des crayons. Je pus ainsi continuer ce que j’avais commencé de nombreuse années auparavant : l’écriture de mes récits fantastiques. Étonnement, je trouvais de nombreuses similitudes entre mes improvisations et l’écriture.

Je me lançais donc dans l’écriture d’une grande œuvre, n’ayant que ça à faire de mes journées. Pour être honnête, je n’étais pas malheureux. Je racontais mes histoires à mes geôliers, pour rompre leur ennui, en échange de diverses faveurs pour rompre mes envies. Un peu plus de nourriture d’un peu meilleure qualité, de l’eau claire en quantité. Bien plus que ce qu’un enfant des rues pouvait espérer. Chaque jour j’écrivais. Je travaillais sur mon héritage. Une œuvre qui nous rassemblerait tous. Une toute nouvelle pièce de théâtre.

Ainsi naquit mon héros, Abe, descendant d’une longue lignée.
Ainsi naquit Aurore, la belle princesse en quête d’aventures.
Ainsi naquit Mark, voleur attiré par la richesse
Ainsi naquit Ed, le bard solitaire

------------------------------------------------------------------------------------

Trois aventuriers que tout séparait.
Lié dans l’aventure que tous espéraient.
Nouvelle quête, pour la princesse guerrière.
Synonyme de richesse pour le voleur sans manières.

Mais le preux chevalier saura-t-il protéger
Sa dame du péril que donne la liberté ?
Souveraine entouré de curieuse compagnie,
Sur les champs de bataille résonnent ses cris

Ombre dans les rues, quand la lune éclair !
Silhouette dans la nuit quand le silence prospère...
Avance sans crainte le monstre sanguinaire,
Symbole du mal que l’on ne peut défaire...

Mais le fier troubadour éclairera leur journée.
Et de l’éclat de sa voix, il saura guider
Le fier voleur, l’intrépide chevalier
Vers la source du danger de la princesse enchainée

------------------------------------------------------------------------------------

Toute histoire commence un jour, quelque part. Mon histoire s’arrête ici, dans cette geôle où je croupis. Je voudrais dire que j’ai bien vécu, eu une bonne vie, mais le temps que j’ai passé libre me fait encore envie. Je ne rêve que de sortir, revoir le soleil, découvrir le monde et ses merveilles.

Quelque mot mal placé à quelque noble haut placé eut raison de moi. Demain, ma tête sera coupée. Mais avant de partir, je souhaite partager cette vie qui est la mienne, que je n’ai pas méritée.

Une vie aussi simple que courte, mais une histoire non banale. Celle d’un pauvre orphelin qui s’éleva plus haut que le ciel, un gamin sans avenir que les étoiles accueillir.