Moi Dionysos, fils de Zeus et Sémélé,
Dieu vivant parmi les mortels,
Dieu errant sur cette terre aimée,
Préférant la rugosité du sol sous mes pieds nus aux douceurs des parquets d'or de
... [+]
– Maman, j'ai eu un D à l'école.
– Ce n'est pas grave ma chérie. Tu es très courageuse de toujours me dire la vérité. Même si tu sais que cela va me faire de la peine. Je n'ai pas eu la chance d'aller à l'école et j'aimerais tellement que tu fasses des études. Maintenant, va dans ta chambre faire tes devoirs.
Maï-li frissonna en passant devant la porte du placard. Elle n'avait aucun mérite à toujours dire la vérité. Dans le placard vivait mémé. Des lointaines montagnes du nord de leur Cambodge natal, ses parents avaient ramené la croyance que les ancêtres continuaient à veiller sur les vivants, pour peu qu'ils soient convenablement traités. Lorsqu'elle avait rendu son dernier souffle, de vieux messieurs habillés étrangement étaient venus l'embaumer. Mémé était morte. Et pourtant, ses parents continuaient à lui parler. Tous les jours, ils ouvraient la porte du placard, changeait l'eau d'un petit récipient de porcelaine et déposaient quelques fruits. Maï-li avait assisté souvent à la scène et avait vu les paupières bouger et laisser apparaître deux yeux sans vie. La première fois, elle avait fait pipi sur elle et son père l'avait grondé. Maintenant, elle était habituée, mais tous ses poils se hérissaient chaque fois qu'elle passait devant le placard. Maï-li savait qu'elle ne dormirait pas cette nuit. Elle n'avait pas eu une mauvaise note parce que ses devoirs étaient faux mais parce qu'elle ne les avait pas fait. Papa l'avait dit. Au moindre mensonge, mémé sortirait du placard pour venir lui demader des comptes. Une brûlure glacée lui perça les reins. Elle pensa aux fruits que les parents récupéraient le matin et qui semblaient avoir été dévorés par d'innombrables dents minuscules. Est-ce ainsi qu'elle serait réveillée cette nuit ? Par la vision de la bouche de sa grand-mère prête à mordre comme un requin ?
Timian était une jeune vierge du temple du Crâne d'Ivoire. Elle répétait les gestes ancestraux transmis de prêtresse en prêtresse. Elle s'enroula autour d'un des fils sacrés et imprima une traction de tout son corps. Puis, elle passa au suivant. Ses gestes étaient souples et limpides. Elle devait être prête car demain, pour la première fois, elle présiderait la cérémonie. Fa-Got la vieille allait se retirer pour méditer et mourir. Demain, Timian serait face aux dieux qui vivent de l'autre côté. Quand le soleil aura éveillé les termites et que le bruit de leurs mandibules emplira la pièce, le moment sera venu. La porte s'ouvrira. En y pensant, Timan sentit son corps se glacer. Elle serait seule. Les autres seront terrés dans les entrailles du temple. Les dieux psalmodieront des paroles d'une langue venue d'un autre temps et apporteront les fruits et l'eau. De l'intérieur du crâne, Timian tirera sur les fils sacrés et accomplira les gestes de remerciement. Elle entendra les dieux s'exclamer « zieux, zieux » et la cérémonie sera finie. La porte de l'autre monde se fermera et la nuit retombera sur la pièce. Timian appellera alors son peuple et tous se dirigeront vers les fruits pour le repas sacré, en chantant leur gratitude pour ces êtres si bons pour eux.
Cette nuit-là, Maï-li ne reçut pas la visite de mémé. Elle fit cependant un rêve étrange où elle était un petit ver blanc qui dévorait sa grand-mère de l'intérieur et s'amusait à la contrôler en tirant sur ses muscles comme un marionnettiste. Au matin, elle refusa de participer à la cérémonie en prétextant qu'elle avait mal au ventre.
– Ce n'est pas grave ma chérie. Tu es très courageuse de toujours me dire la vérité. Même si tu sais que cela va me faire de la peine. Je n'ai pas eu la chance d'aller à l'école et j'aimerais tellement que tu fasses des études. Maintenant, va dans ta chambre faire tes devoirs.
Maï-li frissonna en passant devant la porte du placard. Elle n'avait aucun mérite à toujours dire la vérité. Dans le placard vivait mémé. Des lointaines montagnes du nord de leur Cambodge natal, ses parents avaient ramené la croyance que les ancêtres continuaient à veiller sur les vivants, pour peu qu'ils soient convenablement traités. Lorsqu'elle avait rendu son dernier souffle, de vieux messieurs habillés étrangement étaient venus l'embaumer. Mémé était morte. Et pourtant, ses parents continuaient à lui parler. Tous les jours, ils ouvraient la porte du placard, changeait l'eau d'un petit récipient de porcelaine et déposaient quelques fruits. Maï-li avait assisté souvent à la scène et avait vu les paupières bouger et laisser apparaître deux yeux sans vie. La première fois, elle avait fait pipi sur elle et son père l'avait grondé. Maintenant, elle était habituée, mais tous ses poils se hérissaient chaque fois qu'elle passait devant le placard. Maï-li savait qu'elle ne dormirait pas cette nuit. Elle n'avait pas eu une mauvaise note parce que ses devoirs étaient faux mais parce qu'elle ne les avait pas fait. Papa l'avait dit. Au moindre mensonge, mémé sortirait du placard pour venir lui demader des comptes. Une brûlure glacée lui perça les reins. Elle pensa aux fruits que les parents récupéraient le matin et qui semblaient avoir été dévorés par d'innombrables dents minuscules. Est-ce ainsi qu'elle serait réveillée cette nuit ? Par la vision de la bouche de sa grand-mère prête à mordre comme un requin ?
Timian était une jeune vierge du temple du Crâne d'Ivoire. Elle répétait les gestes ancestraux transmis de prêtresse en prêtresse. Elle s'enroula autour d'un des fils sacrés et imprima une traction de tout son corps. Puis, elle passa au suivant. Ses gestes étaient souples et limpides. Elle devait être prête car demain, pour la première fois, elle présiderait la cérémonie. Fa-Got la vieille allait se retirer pour méditer et mourir. Demain, Timian serait face aux dieux qui vivent de l'autre côté. Quand le soleil aura éveillé les termites et que le bruit de leurs mandibules emplira la pièce, le moment sera venu. La porte s'ouvrira. En y pensant, Timan sentit son corps se glacer. Elle serait seule. Les autres seront terrés dans les entrailles du temple. Les dieux psalmodieront des paroles d'une langue venue d'un autre temps et apporteront les fruits et l'eau. De l'intérieur du crâne, Timian tirera sur les fils sacrés et accomplira les gestes de remerciement. Elle entendra les dieux s'exclamer « zieux, zieux » et la cérémonie sera finie. La porte de l'autre monde se fermera et la nuit retombera sur la pièce. Timian appellera alors son peuple et tous se dirigeront vers les fruits pour le repas sacré, en chantant leur gratitude pour ces êtres si bons pour eux.
Cette nuit-là, Maï-li ne reçut pas la visite de mémé. Elle fit cependant un rêve étrange où elle était un petit ver blanc qui dévorait sa grand-mère de l'intérieur et s'amusait à la contrôler en tirant sur ses muscles comme un marionnettiste. Au matin, elle refusa de participer à la cérémonie en prétextant qu'elle avait mal au ventre.