David et chouquette

Toute histoire commence un jour, quelque part. Celle du petit David était loin d'être anodine.
Dès son bas-âge, David s'était révélé être un enfant doté d'une intelligence hors du commun.
Il était très sociable et aimait embrasser tout le monde, même les gens qu'il ne connaissait pas dans la rue. Mais cela n'était pas au goût de tous. Certains s'en plaignaient au point de dire à ses parents de l'emmener chez un psychologue pour enfants, car selon eux, un enfant qui aimait tant faire des câlins n'était pas normal. Les jouets ne l'intéressaient guère. Il préférait découvrir le monde autour de lui, explorer et surtout...démonter.
L'ordinateur de son père fit les frais de sa curiosité alors qu'il n'avait que sept ans. Il le démonta complètement et quand son père lui demanda pourquoi il l'avait fait, il répondit tout naïvement : « Désolé papa, je voulais simplement comprendre ce qu'il y avait à l'intérieur et qui lui permettait de fonctionner ». Face à cette réponse, son père était partagé entre le désir de le féliciter d'être si curieux et l'envie de le punir pour qu'il ne recommence pas. Mais il savait au fond de lui que le punir ne servirait à rien car son fils était bien trop intelligent et curieux pour qu'une simple punition le freine dans ses élans. En se réveillant le lendemain, le papa trouva son ordinateur allumé sur son bureau. Il fonctionnait ! David avait passé toute la nuit à remonter l'ordinateur pièce par pièce et il avait réussi. Son père était ému aux larmes. Dès lors, la résolution fut prise de le suivre de plus près dans son cursus académique, et surtout, de l'inscrire dans une école où il pourrait facilement exprimer son génie.
Des écoles, il y en avait une pléthore. Mais les parents de David n'arrivaient pas à en trouver une où leur fils serait à l'aise. Les écoles pour petits génies étaient beaucoup trop onéreuses pour leur petite bourse. Il fallait faire avec ce qui était disponible. Plus David grandissait, plus il avait du mal à se faire accepter à l'école, malgré son courage et sa bravoure. Ses relations avec les autres se dégradèrent encore plus quand il atteint le lycée. David était intelligent, beaucoup trop intelligent. À onze ans, il était déjà en classe de première. Étant le plus jeune de la classe, ses camarades le huaient et le traitaient de bébé. Tout était bon pour rabaisser ce petit prétentieux qui avait toujours réponse à tout et qui les complexaient. David n'était pas seulement un problème pour ses camarades qui l'avaient rebaptisé « David L'école », mais aussi et surtout pour les enseignants qui le trouvaient trop arrogant, du fait qu'il lui arrivait de les corriger. Il était en avance sur toutes les matières et s'ennuyait dans cette classe où personne ne le comprenait et personne ne voulait le côtoyer.
Un jour, David crut avoir trouvé le moyen de se faire respecter par tous. Un concours national de robotique fut organisé. Il décida d'y participer. Pendant de longues semaines, il s'enferma dans le garage de ses parents chaque fois qu'il rentrait des classes. Il en ressortit fin prêt pour le concours, avec un robot humanoïde de soixante centimètres de hauteur qu'il nomma Chouquette.
L'invention du jeune homme de onze ans fit l'unanimité. Il remporta le concours national de robotique. Il fut applaudi par les milliers de personnes présentes à la place des fêtes pour la finale de la compétition. Ses parents pleuraient de joie. On parla du jeune prodige dans toutes les télévisions nationales et internationales. David était heureux et il tenait à partager sa joie avec ses camarades et professeurs. Dès le lundi, il se rendit à l'école accompagné de Chouquette qu'il voulait présenter à la classe. L'accueil qu'on leur fit fut tout autre que ce qu'il avait espéré. On se moqua de lui, en le traitant de bébé qui avait besoin d'une poupée avec qui jouer. Il tourna un regard désespéré et plein de larmes vers son professeur qui riait également aux éclats. Ç'en était trop pour David. Il attrapa son robot Chouquette et sortit de la classe en courant. C'est ainsi qu'il arriva chez lui, se disputa avec ses parents et s'enferma dans sa chambre.
Sa maman ne cessait de pleurer car elle repensait à la tentative de suicide de son fils qui remontait à l'an dernier. Elle avait peur qu'il recommence. Ginette et Matthieu se mirent à tambouriner sur la porte de leur fils qui refusait de leur ouvrir. David sortit par la fenêtre de sa chambre et courut à tue-tête à travers les rues du quartier, sans destination précise. Après avoir signalé sa disparition à la police, on le retrouva au milieu de la nuit, endormi et recroquevillé sur lui-même sur la place des fêtes qui avait fait de lui il y a peu, un héros national.
David dut se faire suivre une nouvelle fois par un psychologue. Les séances étaient assez tumultueuses car David ne comprenait pas pourquoi c'était à lui de se faire « soigner », alors que c'étaient les autres qui étaient méchants et se comportaient comme des malades mentaux. Tout s'arrangea quand ses parents réussirent à plaider auprès de l'Etat afin que leur fils ait une bourse dans une école pour génies où il pourrait aisément s'exprimer et finir ses études. Pour une fois dans sa vie, David était vraiment heureux. Il voyait enfin des gens comme lui, des gens qui l'acceptèrent dès le premier jour. Il était épanoui et se découvrit d'autres talents dans plusieurs autres domaines, notamment la peinture. Dans cette école, il travailla à modifier la structure du robot Chouquette afin de lui ajouter plusieurs autres fonctionnalités. Chouquette et David peignaient des tableaux de grande qualité qui furent très appréciés par les dirigeants de l'école. Ils encouragèrent le jeune homme à continuer. On organisa très vite une exposition au cours de laquelle David et Chouquette purent présenter leurs peintures. Le public était ébahi de voir un tel talent. Tous les tableaux s'écoulèrent comme des petits pains. David avait trouvé sa véritable voie. Il était malheureux que ses anciens camarades ne l'aient pas accepté et essayé de profiter de ce qu'il savait faire, plutôt que de le rejeter comme ils l'avaient fait. Mais hélas, il avait compris que le monde était ainsi fait, les humains avaient toujours tendance à rejeter ce qu'ils ne pouvaient pas expliquer ou ce qui était différent d'eux. Tout ça était désormais derrière lui. Il comptait bien profiter de ce nouveau cadre qui lui offrait tout ce qu'il n'avait jamais eu et qui lui permettait de s'adonner à sa nouvelle passion : la peinture.