Vivre dans une cabine de contrôle d’une grue n’était pas de tout repos. Ma compagne, gibbeuse, se déversait sur la ville électrique. Les complaintes d’esprits bons et droits, comme tous ... [+]
Un crépuscule blafard zébré de nuages rosés s’étendait au-delà de l'horizon. L'hiver du sud, aussi doux qu'insupportable pour ses autochtones, enveloppait chaque recoin de la ville avec un amour sans bornes. Les enfants se laissaient des messages sur les vitres des voitures recouvertes de buée et découvraient des amoureux en pleins ébats torrides, inconscients de se donner en spectacle à la future génération.
Diego songeur, le regard vide, se souvenait comme si c’était hier de ce couple qui se donnait sans retenue dans cette Opel Corsa, comme si leur vie en dépendait, et Diego, avec son meilleur pote Gorgino, avait tout regardé jusqu'à la fin. Puis il étaient partis en courant acheter un pain à la dinde chez Mamoud Alias Gremlins, parce qu'il arborait une superbe coupe afro surmontée d'une énorme mèche blanche et des ongles affreusement pointus. Et comme à chaque fois que Diego se perdait dans ce souvenir, c’était à ce moment que sa mémoire refusait d'aller plus loin.
Autour de lui les rumeurs de la circulation, le brouhaha de la vie, lui semblaient venir d'un autre monde. Le bruit du gravier qu'on écrasait d'un pas décidé le sortit de sa rêverie. Il n'avait pas de cigarette mais fit mine d'en jeter le mégot et de l' écraser du bout de sa chaussure.
La silhouette s'approchait rapidement. Une femme. Les contours se précisaient. Diego la scruta de haut en bas sans la moindre émotion. Il se leva et se rendit à sa rencontre. Lui tendit la main.
— Vous êtes en avance dit Diego, j'aime ça.
— J'ai appris la ponctualité dans la douleur répondit la femme du tac au tac.
Elle était jeune mais plus trop, avec quelque chose d’hystérique et contrôlé dans la voix. Des boucles blondes, un regard bleu, le combo classique mais toujours efficace. Elle ne lui plaisait pas dans le sens que l'on entend. Elle lui inspirait quelque chose d'indéfinissable.
Ça fit presque sourire Diego. Il l'invita à monter, jeta un regard méfiant circulaire, et lui emboîta la pas. Une fois à l’intérieur, il eu un petit silence entre eux. Diego se frotta les mains et demanda :
— Vous avez les papiers?
— Bien sûr !
La femme sortit une chemise jaune de son sac, l'ouvrit et fit apparaître un dossier.
— Comme convenu, dit Diego, c'est trois fiches de paie, le smic minimum, et le CDI validé après période d'essai, avec caution plus charges...
La femme allait tendre le dossier à Diego mais se figea d'un coup. Diego, la regarda droit dans les yeux puis se mit à rire.
— Je plaisante, je plaisante... Relax.
Il prit le dossier, le consulta.
— Du mi-temps à Flunch?
— Oui...
— Moyen d'avoir des repas gratuits ?
— C'est pas évident...
— Des passions ? Des relations ? Je vous préviens pas d'instrument de musique, ni de fricotage chez moi ! Le calme est un luxe dont je ne peux pas me passer.
— Ni l'un ni l'autre, je me contente de survivre en ce moment.
— Insomnies ? Terreurs nocturnes ? Vous ronflez ?
— Non, non, et non un sommeil de koala.
— Allergie alimentaire ?
— Aucune.
— Bien, alors, couvre-feu à minuit, je fournis les couvertures, la nourriture. On se lève à 7heures grand max. Pas d'animaux, pas de visite. Après minuit je n'ouvre plus. Musique jusqu'à 22h. Chauffage en cas de température extrême. Wi-fi incluse. Des questions?
— Pas pour l'instant...
— Diego sortit un thermos et deux gobelets, servit deux cafés bien chaud.
— Affaire conclue ?
La femme regarda son gobelet puis autour d'elle. Elle fit mine de réfléchir. La nuit était tombée, le froid là. Elle but une gorgée.
Najwa (c'était son prénom) se mordillait l'ongle du pouce comme elle le faisait chaque fois que le stress la rongeait gentiment. Parce qu'en cas de méchant stress, elle pouvait se les bouffer jusqu'à la matrice en deux minutes. Elle regarda encore autour d'elle. Ça lui plaisait bien. Ça lui rappelait son père. Ce type, par contre, ne lui plaisait pas trop. Maigrelet dans son faux cuir, trop grand pour sa petite tête de vainqueur, imberbe, une confiance exagérée qui bavait sur tout ce qui l'approchait. C’était le pire choix qu'une femme pouvait faire pour sa première fois, ou sa dernière fois... Elle soupira.
"Bleu de la nuit ait pitié de nous pauvres mortels", pensa-t-elle.
— Je vais chercher le reste de mes affaires. Je peux laisser mon sac ici ?
— Pas de souci, répondit Diégo. Et conseil : toujours voyager léger hien ? Enfin je me comprend...
Najwa sourit sans émotion, et s'en allla. Diego se regarda dans le petit miroir, se fit un clin d'oeil...essaya d'ignorer le sac à main à côté de lui, posa un regard dessus, puis sur son reflet. Une fois, deux fois... puis il se jeta sur le sac. Il fouilla, comme il savait le faire, sans foutre le bordel. Il adorait ça, violer l'intimité des autres. Depuis tout môme il aimait fouiller les sacs, les tiroirs, les portefeuilles, les âmes, les esprits, surprendre les gens en pleine faute, sans qu'on ne sache jamais qu'il savait combien il y avait dans votre portefeuille, cette capote que vous gardez avec espoir, que vous venez de faire l'amour de telle façon ou que... Il regarda autour de lui, pris d'euphorie, puis se remit à chercher. Il se figea, se relâcha puis releva au niveau de son visage, un test de grossesse. Dessus une croix comme celle sur laquelle fut cloué Jésus, le mit mal à l'aise. Diego, ne savait pas comment ça marchait les test de grossesse.
— Elle est en cloque ? dit-il avec du rire dans la voix.
Il ne put s’empêcher de penser que cette femme venait de pisser sur ce bout de plastique, le porta à ses narines, le huma...ça l'intrigua, du bout de la langue il goûta... déçu... il remit le bordel en place.
— Je m'en fous... du moment qu'elle raque le loyer... puis au pire... je les vire, elle et le mouflet.
Satisfait, Diego alluma la radio. Chopin maltraitait son piano. Il aimait la musique classique sans savoir d’où ce goût lui venait. Sûrement pas de ses parents, ni de son entourage. Des gens de triste condition, passant encore et encore leur vieux 33 tours qui crachaient de vieilles ballades du bled en cette langue qu'il n'avait jamais réussi à parler.
Diego se laissa emporté par la musique. Il s'assoupit presque. On toqua trois fois. Fin de de la rêverie.
Elle était là, de retour du froid d'hiver. Bouclette du ghetto. Bleu de quartier. Avec ses affaires. Pas beaucoup heureusement. Il ouvrit.
— C'est quoi ton prénom déjà ?
— Najwa !
— Monsieur Diego. Mais appelle-moi Diego. Enchanté.
C'’était l'heure du repas. Chacun à sa place, avec une cup noodle fumante, Personne ne pipait mot. Le monde tournait autour d'eux, sans prêter la moindre attention à leur existence pendant qu'ils aspiraient leurs nouilles. À la fin du repas. Diego servit un café chaud, et des speculoos.
— C'est bon hein ? dit-il.
Nawja hocha la tête pour faire plaisir.
Najwa, couchée sur sur le dos , les yeux clos, écoutait les va-et-vient de la circulation. Son estomac faisait un bruit bizarre. Elle fit le vide. Respira profondément. Elle pouvait sentir, dans sa poitrine, le flux et le reflux de la mer, le mouvement inéluctable du monde. Par un de bout de fenêtre, elle pouvait voir les étoiles, le ciel pourpre, les cache-cache avec la lune, qu'elle aimait depuis sa plus tendre enfance. Elle aurait voulu essayer de penser à sa vie, trouver la faille, savoir comment elle s’était retrouvée là, démêler les nœuds, mais elle ne savait pas par quel bout prendre la pelote de merde. Sa mère lui manquait. Même son père, ce bourrin fan de sport de combat, triste de n'avoir eu qu'une fille et qui lui avait fait des misères, lui manquait. Grandir, devenir adulte, les responsabilités... ça sonnait comme des insultes dans sa caboche trop pleine de remords et de peine. Sa maison, sa chambre, son petit coin dans le jardin où elle avait fait pousser du basilic lui manquait plus que tout... l'odeur du basilic, qu'elle aimait ça ! Si elle pouvait en sentir maintenant, du basilic de son jardin, se dit-elle, elle était sûre que tout s'arrangerait. "Si je pouvais sentir mon basilic..." elle posa une main sur son ventre... elle ne pouvait s’empêcher de se dire et redire qu'elle avait foiré jusqu'à présent... malgré cette voix intérieure qui l’accompagnait depuis toujours, la poussait, qui lui intimait qu'elle avait raison de faire sa vie, de faire ses choix... Les larmes au bord du toit étaient prêtes à chuter.
La portière couina. Najwa avorta ses larmes. Se redressa sur la banquette arrière. C’était Diego. Il tenait dans une main une petite bouteille de mousseux et, dans l'autre, une canette de Coca-cola. Il la tendit à Najwa.
— Tu sais c'est un peu comme le truc de crémier là, qu'on fait quand on emménage.
— Pendaison de crémaillère ?
—C'est ça ! dit Diego, allez ! Bienvenue chez toi. Tchin !
—Au fait à propos des...
—Non, pas de question.
—Mais c'est important !
—Je sais, je sais... on vit ensemble et doit apprendre à se connaître, mais pas ce soir, j'ai d'autres chiots à fouetter.
—Non.. mais...
—pas !
Elle sortit de la voiture et baissa son pantalon.
Non, non, non... c'est dégueulasse ça ! Dis-donc !
— Alors, bon sang, indique moi les toilettes !
— Ah ! OK... Suis-moi... c'est par-là... tu vas jusque l'Algecco tout au fond à droite, tu toques et tu dis que tu viens de la part de Diego, tu pourra aller aux toilettes et prendre ta douche sans souci. Si le gars te drague, dis lui que t'es lesbienne, il te laissera tranquille.
—OK...et pour mes affaires ?
—Tu as la moitié de la boîte à gants, un quart du coffre, et le dessus de ce siège de disponibles
. —Le loyer?
—Deux euros par jour. Affaire conclue ?
Najwa sans répondre se dirigea vers les ténèbres industrielle en direction des toilettes.
Diego songeur, le regard vide, se souvenait comme si c’était hier de ce couple qui se donnait sans retenue dans cette Opel Corsa, comme si leur vie en dépendait, et Diego, avec son meilleur pote Gorgino, avait tout regardé jusqu'à la fin. Puis il étaient partis en courant acheter un pain à la dinde chez Mamoud Alias Gremlins, parce qu'il arborait une superbe coupe afro surmontée d'une énorme mèche blanche et des ongles affreusement pointus. Et comme à chaque fois que Diego se perdait dans ce souvenir, c’était à ce moment que sa mémoire refusait d'aller plus loin.
Autour de lui les rumeurs de la circulation, le brouhaha de la vie, lui semblaient venir d'un autre monde. Le bruit du gravier qu'on écrasait d'un pas décidé le sortit de sa rêverie. Il n'avait pas de cigarette mais fit mine d'en jeter le mégot et de l' écraser du bout de sa chaussure.
La silhouette s'approchait rapidement. Une femme. Les contours se précisaient. Diego la scruta de haut en bas sans la moindre émotion. Il se leva et se rendit à sa rencontre. Lui tendit la main.
— Vous êtes en avance dit Diego, j'aime ça.
— J'ai appris la ponctualité dans la douleur répondit la femme du tac au tac.
Elle était jeune mais plus trop, avec quelque chose d’hystérique et contrôlé dans la voix. Des boucles blondes, un regard bleu, le combo classique mais toujours efficace. Elle ne lui plaisait pas dans le sens que l'on entend. Elle lui inspirait quelque chose d'indéfinissable.
Ça fit presque sourire Diego. Il l'invita à monter, jeta un regard méfiant circulaire, et lui emboîta la pas. Une fois à l’intérieur, il eu un petit silence entre eux. Diego se frotta les mains et demanda :
— Vous avez les papiers?
— Bien sûr !
La femme sortit une chemise jaune de son sac, l'ouvrit et fit apparaître un dossier.
— Comme convenu, dit Diego, c'est trois fiches de paie, le smic minimum, et le CDI validé après période d'essai, avec caution plus charges...
La femme allait tendre le dossier à Diego mais se figea d'un coup. Diego, la regarda droit dans les yeux puis se mit à rire.
— Je plaisante, je plaisante... Relax.
Il prit le dossier, le consulta.
— Du mi-temps à Flunch?
— Oui...
— Moyen d'avoir des repas gratuits ?
— C'est pas évident...
— Des passions ? Des relations ? Je vous préviens pas d'instrument de musique, ni de fricotage chez moi ! Le calme est un luxe dont je ne peux pas me passer.
— Ni l'un ni l'autre, je me contente de survivre en ce moment.
— Insomnies ? Terreurs nocturnes ? Vous ronflez ?
— Non, non, et non un sommeil de koala.
— Allergie alimentaire ?
— Aucune.
— Bien, alors, couvre-feu à minuit, je fournis les couvertures, la nourriture. On se lève à 7heures grand max. Pas d'animaux, pas de visite. Après minuit je n'ouvre plus. Musique jusqu'à 22h. Chauffage en cas de température extrême. Wi-fi incluse. Des questions?
— Pas pour l'instant...
— Diego sortit un thermos et deux gobelets, servit deux cafés bien chaud.
— Affaire conclue ?
La femme regarda son gobelet puis autour d'elle. Elle fit mine de réfléchir. La nuit était tombée, le froid là. Elle but une gorgée.
Najwa (c'était son prénom) se mordillait l'ongle du pouce comme elle le faisait chaque fois que le stress la rongeait gentiment. Parce qu'en cas de méchant stress, elle pouvait se les bouffer jusqu'à la matrice en deux minutes. Elle regarda encore autour d'elle. Ça lui plaisait bien. Ça lui rappelait son père. Ce type, par contre, ne lui plaisait pas trop. Maigrelet dans son faux cuir, trop grand pour sa petite tête de vainqueur, imberbe, une confiance exagérée qui bavait sur tout ce qui l'approchait. C’était le pire choix qu'une femme pouvait faire pour sa première fois, ou sa dernière fois... Elle soupira.
"Bleu de la nuit ait pitié de nous pauvres mortels", pensa-t-elle.
— Je vais chercher le reste de mes affaires. Je peux laisser mon sac ici ?
— Pas de souci, répondit Diégo. Et conseil : toujours voyager léger hien ? Enfin je me comprend...
Najwa sourit sans émotion, et s'en allla. Diego se regarda dans le petit miroir, se fit un clin d'oeil...essaya d'ignorer le sac à main à côté de lui, posa un regard dessus, puis sur son reflet. Une fois, deux fois... puis il se jeta sur le sac. Il fouilla, comme il savait le faire, sans foutre le bordel. Il adorait ça, violer l'intimité des autres. Depuis tout môme il aimait fouiller les sacs, les tiroirs, les portefeuilles, les âmes, les esprits, surprendre les gens en pleine faute, sans qu'on ne sache jamais qu'il savait combien il y avait dans votre portefeuille, cette capote que vous gardez avec espoir, que vous venez de faire l'amour de telle façon ou que... Il regarda autour de lui, pris d'euphorie, puis se remit à chercher. Il se figea, se relâcha puis releva au niveau de son visage, un test de grossesse. Dessus une croix comme celle sur laquelle fut cloué Jésus, le mit mal à l'aise. Diego, ne savait pas comment ça marchait les test de grossesse.
— Elle est en cloque ? dit-il avec du rire dans la voix.
Il ne put s’empêcher de penser que cette femme venait de pisser sur ce bout de plastique, le porta à ses narines, le huma...ça l'intrigua, du bout de la langue il goûta... déçu... il remit le bordel en place.
— Je m'en fous... du moment qu'elle raque le loyer... puis au pire... je les vire, elle et le mouflet.
Satisfait, Diego alluma la radio. Chopin maltraitait son piano. Il aimait la musique classique sans savoir d’où ce goût lui venait. Sûrement pas de ses parents, ni de son entourage. Des gens de triste condition, passant encore et encore leur vieux 33 tours qui crachaient de vieilles ballades du bled en cette langue qu'il n'avait jamais réussi à parler.
Diego se laissa emporté par la musique. Il s'assoupit presque. On toqua trois fois. Fin de de la rêverie.
Elle était là, de retour du froid d'hiver. Bouclette du ghetto. Bleu de quartier. Avec ses affaires. Pas beaucoup heureusement. Il ouvrit.
— C'est quoi ton prénom déjà ?
— Najwa !
— Monsieur Diego. Mais appelle-moi Diego. Enchanté.
C'’était l'heure du repas. Chacun à sa place, avec une cup noodle fumante, Personne ne pipait mot. Le monde tournait autour d'eux, sans prêter la moindre attention à leur existence pendant qu'ils aspiraient leurs nouilles. À la fin du repas. Diego servit un café chaud, et des speculoos.
— C'est bon hein ? dit-il.
Nawja hocha la tête pour faire plaisir.
Najwa, couchée sur sur le dos , les yeux clos, écoutait les va-et-vient de la circulation. Son estomac faisait un bruit bizarre. Elle fit le vide. Respira profondément. Elle pouvait sentir, dans sa poitrine, le flux et le reflux de la mer, le mouvement inéluctable du monde. Par un de bout de fenêtre, elle pouvait voir les étoiles, le ciel pourpre, les cache-cache avec la lune, qu'elle aimait depuis sa plus tendre enfance. Elle aurait voulu essayer de penser à sa vie, trouver la faille, savoir comment elle s’était retrouvée là, démêler les nœuds, mais elle ne savait pas par quel bout prendre la pelote de merde. Sa mère lui manquait. Même son père, ce bourrin fan de sport de combat, triste de n'avoir eu qu'une fille et qui lui avait fait des misères, lui manquait. Grandir, devenir adulte, les responsabilités... ça sonnait comme des insultes dans sa caboche trop pleine de remords et de peine. Sa maison, sa chambre, son petit coin dans le jardin où elle avait fait pousser du basilic lui manquait plus que tout... l'odeur du basilic, qu'elle aimait ça ! Si elle pouvait en sentir maintenant, du basilic de son jardin, se dit-elle, elle était sûre que tout s'arrangerait. "Si je pouvais sentir mon basilic..." elle posa une main sur son ventre... elle ne pouvait s’empêcher de se dire et redire qu'elle avait foiré jusqu'à présent... malgré cette voix intérieure qui l’accompagnait depuis toujours, la poussait, qui lui intimait qu'elle avait raison de faire sa vie, de faire ses choix... Les larmes au bord du toit étaient prêtes à chuter.
La portière couina. Najwa avorta ses larmes. Se redressa sur la banquette arrière. C’était Diego. Il tenait dans une main une petite bouteille de mousseux et, dans l'autre, une canette de Coca-cola. Il la tendit à Najwa.
— Tu sais c'est un peu comme le truc de crémier là, qu'on fait quand on emménage.
— Pendaison de crémaillère ?
—C'est ça ! dit Diego, allez ! Bienvenue chez toi. Tchin !
—Au fait à propos des...
—Non, pas de question.
—Mais c'est important !
—Je sais, je sais... on vit ensemble et doit apprendre à se connaître, mais pas ce soir, j'ai d'autres chiots à fouetter.
—Non.. mais...
—pas !
Elle sortit de la voiture et baissa son pantalon.
Non, non, non... c'est dégueulasse ça ! Dis-donc !
— Alors, bon sang, indique moi les toilettes !
— Ah ! OK... Suis-moi... c'est par-là... tu vas jusque l'Algecco tout au fond à droite, tu toques et tu dis que tu viens de la part de Diego, tu pourra aller aux toilettes et prendre ta douche sans souci. Si le gars te drague, dis lui que t'es lesbienne, il te laissera tranquille.
—OK...et pour mes affaires ?
—Tu as la moitié de la boîte à gants, un quart du coffre, et le dessus de ce siège de disponibles
. —Le loyer?
—Deux euros par jour. Affaire conclue ?
Najwa sans répondre se dirigea vers les ténèbres industrielle en direction des toilettes.