Je suis arrivé à cette fête, la fille qui m’a ouvert portait une espèce de jupe bouffante dans les bordeaux soyeux, et une haie de types et nanas se perdait jusqu’au fond d’un interminable... [+]
Le jour où ma moto a cassé, j'avais la plus belle fille du bahut sur la selle derrière moi. Vrai de vrai quand je dis la plus belle, pour moi elle l'était. Peut-être pas pour tout le monde mais pour bon nombre sûrement qui au bahut la voyaient chaque jour devenir la plus belle. Dont moi donc.
Même que des années, elle le resta dans mon souvenir. Je ne sais si maintenant elle le serait encore car aujourd'hui j'ai plus de mal à trouver belle une fille de bahut assise derrière moi sur une moto, d'ailleurs pour tout dire, c'est plus rare, ça ne m'arrive plus très souvent, pour ainsi dire jamais. Mais là, je n'éprouvais aucune espèce de difficulté à ça, je n'imaginais même pas qu'il puisse y avoir le commencement d'un quelconque problème à trouver belle cette fille qui se coulait à mon dos et m’enserrait la taille de toutes ses mains alors que nous filions sur la longue bretelle argentée de la Porte de la Chapelle. Laquelle allait vraiment très bientôt, juste une question de demi-secondes, nous lancer tous les deux sur l'autoroute pour une virée de tous les diables.
Ce fut juste au bout de la bretelle que le moteur poussa un long pssshht... strident et néanmoins lugubre. Serrage du piston et conséquemment blocage de la roue arrière. J'eus le réflexe de débrayer juste avant le dérapage, nous évitant ainsi la gamelle, et je laissai l'engin finir sa course en roue libre, tout moteur arrêté et pas du tout prêt à repartir. Il avait serré, je vous l'assure, mon piston dans sa gangue d'alliage surchauffé, je n'en doutais pas, j'en frémissais déjà de peur et de rage. Finies donc ses propices allées et venues à 10000 tours/minute et finie pour moi l'enivrante perspective d'aller battre fleurette sur un bord de petite route perdue de campagne avec la plus belle fille d'un bahut.
Je ne savais pas bien de laquelle des deux poisses me tombant dessus j'étais le plus emmerdé. En fait, je me sentais la plus précisément parfaite de toutes les andouilles que la Terre ait jamais portée.
La moto, je venais de l'acheter. J'avais trimé tout l'été pour me la payer pendant que d'autres batifolaient sur les plages. Cet arnaqueur de garagiste allait m'entendre.
Quant à la belle, nous venions de passer un bout d'après-midi ensemble à la Fête de l'Huma et ça n’avait pas été vraiment réjouissant le baguenaudage entre les merguez et le discours du secrétaire du Parti. Nous avions donc décidé d'aller voir ailleurs, ce qui, nouvelle bécane aidant, avait conduit à cette sacrée bonne idée de virée campagne.
Le soleil était avec moi et, juste avant de démarrer, je m'étais retourné pour lui demander si tout baignait et il me l'avait faite briller comme la pulpe d'une orange.
Je ne l'avais encore jamais embrassée, enfin pécho on dit maintenant.
Au vu de la bonne tournure que semblaient prendre les choses, je m'étais dit que c'était une affaire vraiment bien engagée. J'avais prévu que le truc se ferait idéalement au moment du bord de petite route perdue de campagne, il nous attendait d'ici une petite heure au plus. Et puis j'avais mis toute la gomme dans les poignées, levé la roue avant, la belle avait poussé un joli petit cri et de tout son jeune buste pointu s'était plaquée contre moi. Une affaire diablement bien partie, j'en étais aussi sûr que un et un.
M'étais présentement avis que le bord de bretelle était mal choisi avec toutes ces bagnoles qui nous frisaient les flancs et cette panade qui m'était tombée dessus. Elle me lançait ses grands yeux avides. Ce qui me fit ne la trouver que plus belle.
- Qu'est-ce qui se passe ? miaula-t-elle en s'ébrouant.
Une vraie chatte, elle était.
L'andouille bredouilla. L'andouille n'osait pas avouer que la moto était cassée. Il essayait bêtement de la redémarrer et n'y arrivait évidemment pas, le kick tournait tout bonnement dans le vide, il ne voulait plus rien savoir.
- Bon, j’ai soupiré. Y a plus qu'à ouvrir la culasse.
- Ca marche plus ?
- Si, si, t'inquiètes. J'en ai pour deux minutes.
Elle a fait une moue pas très engageante et s'est assise sur le parapet de métal, les bras croisés, le regard noir. Peut-être qu'elle pensait que je la menais en bateau, que je lui avais sciemment fait le coup de la panne. Mais non, je n'aurais pas choisi cette saloperie d'endroit pour décor.
Heureusement, il y avait mes outils dans le petit coffre arrière. Je n'ai pas eu trop de mal à démonter, sur un deux-temps c'est facile. La tête calaminée de Mister Piston m'est apparue et je n'ai pas été plus avancé pour autant parce que ce rat, malgré toute la conviction que je mettais à le pousser avec un manche de tournevis, refusait toujours de coulisser dans ce satané fourreau de métal qui l'étreignait au moins aussi fort que moi j'aurais voulu étreindre la belle à côté. Laquelle, à mon grand dam, manifestait des signes croissants d'ennui et d'intention de me laisser vivre seul mes avatars mécano-amoureux.
C'était la galère. Il fallait aussi démonter le cylindre et je me voyais mal parti avec ça.
- C'est la galère, j’ai dit en me tournant vers elle, un rien implorant. Je peux rien faire tout de suite. Il faut que je l'amène au garage.
- A pied ?
- Ben ouais. Y a pas d'autre solution, faut que la pousse. C'est pas si loin, c’est Place Clichy.
Ses grands yeux ont roulé, j'ai cru qu'ils allaient tomber par terre sur le macadam, j'ai repris :
- Viens. Après on se fait un cinoche dans le quartier.
Elle ne devait pas réellement avoir envie d'une salle obscure, et je la comprenais, le bout de l'autoroute qui perçait le bas du ciel au loin était aussi excitant qu'une cible pour des fléchettes. Un gros cube est passé avec une fille à l'arrière et ses cheveux volaient derrière le casque et ma belle les a suivi du regard et moi j'avais les mains noires de cambouis et ma moto était bel et bien aussi nulle qu'une barque percée au milieu de l'océan.
- C'est pas rigolo, elle a asséné.
Elle voulait m'achever, c'était clair. Un éclat de soleil a rougi ses lèvres, nom d'une bielle, j'aurais du en profiter mais je n'ai pas osé, j'étais encore un petit bleu de rien du tout, j'étais déjà vaincu. Je me suis stupidement gratté la tête et j'ai regardé mes pieds.
Ce fut à ce moment que Busard se pointa sur sa Ducati 450. Il était aussi du bahut et n'avait personne derrière lui pour se coller à son dos de chameau.
- Eh, t'as un problème ! il a fait d'un air mesquin.
Busard n'était sûrement pas là par hasard, on l'avait croisé tout à l'heure à la fête. Bien sûr, il était de ceux qui au bahut la trouvait belle, ma belle ennuyée assise sur le parapet et qui pour l'instant lorgnait un peu trop à mon goût la place arrière libre de la Ducati.
- J'ai serré à mort, j’ai dit.
Il a émis deux trois reniflements rapides de son gros nez idiot.
D'instinct, je me suis rapproché à un millimètre de ma belle, elle paraissait de plus en plus hypnotisée par le ronronnement de la Ducati. Un sourire narquois barrait la face de Busard, il y avait de quoi avoir envie de le voir disparaître sous terre, happé par une faille.
- On va se débrouiller tous seuls, j’ai tenté.
Je n'ai pas du y mettre assez de conviction parce qu’il n'a pas bougé d'un poil et, vous savez, elles n'ont pas de morale et c'est aussi pour ça qu'on les aime, elle a tout simplement bondi sur la selle de la Ducati en proférant :
- Tu me fais faire un tour en attendant qu'il ramène sa bécane ?
Et se retournant vers moi :
- J'ai vraiment envie d'une ballade, il fait trop beau pour un ciné.
Le coeur lacéré et ma culasse dans la main, je l’ai vue disparaître sur le ruban miroitant, ses cheveux noirs volaient derrière son casque et devant moi les bagnoles filaient vers le soleil comme des billes étincelantes de haine. Avec mes mains graisseuses et sales, mes mains qui une demi-heure plus tôt croyaient qu'elles allaient enlacer la plus belle fille d'un bahut, j'ai ramassé mes outils, attrapé mon guidon et me suis mis à pousser mon cheval mort le long du parapet qui montait.
Aujourd'hui, voyez-vous, certainement que j'aurais essayé de l'embrasser, enfin de la pécho on dit maintenant, sur le bord de la bretelle.
Même que des années, elle le resta dans mon souvenir. Je ne sais si maintenant elle le serait encore car aujourd'hui j'ai plus de mal à trouver belle une fille de bahut assise derrière moi sur une moto, d'ailleurs pour tout dire, c'est plus rare, ça ne m'arrive plus très souvent, pour ainsi dire jamais. Mais là, je n'éprouvais aucune espèce de difficulté à ça, je n'imaginais même pas qu'il puisse y avoir le commencement d'un quelconque problème à trouver belle cette fille qui se coulait à mon dos et m’enserrait la taille de toutes ses mains alors que nous filions sur la longue bretelle argentée de la Porte de la Chapelle. Laquelle allait vraiment très bientôt, juste une question de demi-secondes, nous lancer tous les deux sur l'autoroute pour une virée de tous les diables.
Ce fut juste au bout de la bretelle que le moteur poussa un long pssshht... strident et néanmoins lugubre. Serrage du piston et conséquemment blocage de la roue arrière. J'eus le réflexe de débrayer juste avant le dérapage, nous évitant ainsi la gamelle, et je laissai l'engin finir sa course en roue libre, tout moteur arrêté et pas du tout prêt à repartir. Il avait serré, je vous l'assure, mon piston dans sa gangue d'alliage surchauffé, je n'en doutais pas, j'en frémissais déjà de peur et de rage. Finies donc ses propices allées et venues à 10000 tours/minute et finie pour moi l'enivrante perspective d'aller battre fleurette sur un bord de petite route perdue de campagne avec la plus belle fille d'un bahut.
Je ne savais pas bien de laquelle des deux poisses me tombant dessus j'étais le plus emmerdé. En fait, je me sentais la plus précisément parfaite de toutes les andouilles que la Terre ait jamais portée.
La moto, je venais de l'acheter. J'avais trimé tout l'été pour me la payer pendant que d'autres batifolaient sur les plages. Cet arnaqueur de garagiste allait m'entendre.
Quant à la belle, nous venions de passer un bout d'après-midi ensemble à la Fête de l'Huma et ça n’avait pas été vraiment réjouissant le baguenaudage entre les merguez et le discours du secrétaire du Parti. Nous avions donc décidé d'aller voir ailleurs, ce qui, nouvelle bécane aidant, avait conduit à cette sacrée bonne idée de virée campagne.
Le soleil était avec moi et, juste avant de démarrer, je m'étais retourné pour lui demander si tout baignait et il me l'avait faite briller comme la pulpe d'une orange.
Je ne l'avais encore jamais embrassée, enfin pécho on dit maintenant.
Au vu de la bonne tournure que semblaient prendre les choses, je m'étais dit que c'était une affaire vraiment bien engagée. J'avais prévu que le truc se ferait idéalement au moment du bord de petite route perdue de campagne, il nous attendait d'ici une petite heure au plus. Et puis j'avais mis toute la gomme dans les poignées, levé la roue avant, la belle avait poussé un joli petit cri et de tout son jeune buste pointu s'était plaquée contre moi. Une affaire diablement bien partie, j'en étais aussi sûr que un et un.
M'étais présentement avis que le bord de bretelle était mal choisi avec toutes ces bagnoles qui nous frisaient les flancs et cette panade qui m'était tombée dessus. Elle me lançait ses grands yeux avides. Ce qui me fit ne la trouver que plus belle.
- Qu'est-ce qui se passe ? miaula-t-elle en s'ébrouant.
Une vraie chatte, elle était.
L'andouille bredouilla. L'andouille n'osait pas avouer que la moto était cassée. Il essayait bêtement de la redémarrer et n'y arrivait évidemment pas, le kick tournait tout bonnement dans le vide, il ne voulait plus rien savoir.
- Bon, j’ai soupiré. Y a plus qu'à ouvrir la culasse.
- Ca marche plus ?
- Si, si, t'inquiètes. J'en ai pour deux minutes.
Elle a fait une moue pas très engageante et s'est assise sur le parapet de métal, les bras croisés, le regard noir. Peut-être qu'elle pensait que je la menais en bateau, que je lui avais sciemment fait le coup de la panne. Mais non, je n'aurais pas choisi cette saloperie d'endroit pour décor.
Heureusement, il y avait mes outils dans le petit coffre arrière. Je n'ai pas eu trop de mal à démonter, sur un deux-temps c'est facile. La tête calaminée de Mister Piston m'est apparue et je n'ai pas été plus avancé pour autant parce que ce rat, malgré toute la conviction que je mettais à le pousser avec un manche de tournevis, refusait toujours de coulisser dans ce satané fourreau de métal qui l'étreignait au moins aussi fort que moi j'aurais voulu étreindre la belle à côté. Laquelle, à mon grand dam, manifestait des signes croissants d'ennui et d'intention de me laisser vivre seul mes avatars mécano-amoureux.
C'était la galère. Il fallait aussi démonter le cylindre et je me voyais mal parti avec ça.
- C'est la galère, j’ai dit en me tournant vers elle, un rien implorant. Je peux rien faire tout de suite. Il faut que je l'amène au garage.
- A pied ?
- Ben ouais. Y a pas d'autre solution, faut que la pousse. C'est pas si loin, c’est Place Clichy.
Ses grands yeux ont roulé, j'ai cru qu'ils allaient tomber par terre sur le macadam, j'ai repris :
- Viens. Après on se fait un cinoche dans le quartier.
Elle ne devait pas réellement avoir envie d'une salle obscure, et je la comprenais, le bout de l'autoroute qui perçait le bas du ciel au loin était aussi excitant qu'une cible pour des fléchettes. Un gros cube est passé avec une fille à l'arrière et ses cheveux volaient derrière le casque et ma belle les a suivi du regard et moi j'avais les mains noires de cambouis et ma moto était bel et bien aussi nulle qu'une barque percée au milieu de l'océan.
- C'est pas rigolo, elle a asséné.
Elle voulait m'achever, c'était clair. Un éclat de soleil a rougi ses lèvres, nom d'une bielle, j'aurais du en profiter mais je n'ai pas osé, j'étais encore un petit bleu de rien du tout, j'étais déjà vaincu. Je me suis stupidement gratté la tête et j'ai regardé mes pieds.
Ce fut à ce moment que Busard se pointa sur sa Ducati 450. Il était aussi du bahut et n'avait personne derrière lui pour se coller à son dos de chameau.
- Eh, t'as un problème ! il a fait d'un air mesquin.
Busard n'était sûrement pas là par hasard, on l'avait croisé tout à l'heure à la fête. Bien sûr, il était de ceux qui au bahut la trouvait belle, ma belle ennuyée assise sur le parapet et qui pour l'instant lorgnait un peu trop à mon goût la place arrière libre de la Ducati.
- J'ai serré à mort, j’ai dit.
Il a émis deux trois reniflements rapides de son gros nez idiot.
D'instinct, je me suis rapproché à un millimètre de ma belle, elle paraissait de plus en plus hypnotisée par le ronronnement de la Ducati. Un sourire narquois barrait la face de Busard, il y avait de quoi avoir envie de le voir disparaître sous terre, happé par une faille.
- On va se débrouiller tous seuls, j’ai tenté.
Je n'ai pas du y mettre assez de conviction parce qu’il n'a pas bougé d'un poil et, vous savez, elles n'ont pas de morale et c'est aussi pour ça qu'on les aime, elle a tout simplement bondi sur la selle de la Ducati en proférant :
- Tu me fais faire un tour en attendant qu'il ramène sa bécane ?
Et se retournant vers moi :
- J'ai vraiment envie d'une ballade, il fait trop beau pour un ciné.
Le coeur lacéré et ma culasse dans la main, je l’ai vue disparaître sur le ruban miroitant, ses cheveux noirs volaient derrière son casque et devant moi les bagnoles filaient vers le soleil comme des billes étincelantes de haine. Avec mes mains graisseuses et sales, mes mains qui une demi-heure plus tôt croyaient qu'elles allaient enlacer la plus belle fille d'un bahut, j'ai ramassé mes outils, attrapé mon guidon et me suis mis à pousser mon cheval mort le long du parapet qui montait.
Aujourd'hui, voyez-vous, certainement que j'aurais essayé de l'embrasser, enfin de la pécho on dit maintenant, sur le bord de la bretelle.