Antarès Mille Huîtres

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Nouvelles :
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Trois semaines d'enquête sur le terrain, deux mois de recherches préalables, des indicateurs par poignées, et je ne parvenais toujours pas à mettre la main sur ne serait-ce que le début de la queue d'une information. Tout ça m'échappait. Pas question pour autant de rentrer bredouille. On m'avait commandé une interview d'étoile, filante si possible, je livrerais une interview d'étoile. Au moins.
On toqua à la porte de mon bureau, qui donnait directement sur le palier. Pas moyen de se lamenter tranquille. Impossible de travailler dans ces conditions. Je ne répondis pas.
Des bruits sur le sol, à l'extérieur, des glissements, des frottements, de vagues lueurs et une odeur de roussi puis, à nouveau, des coups sur la porte. Et encore. Et encore.

Je craquai et hurlai :
— Ça suffit ! Il n'y a personne. Je suis occupé. Je suis en voyage. Partez.
Un moment de silence et puis, venant de partout à la fois, et pas seulement de derrière la porte, des paroles, énormes :
— C'est pas ici qu'on cherche une étoile ?
Là, j'avoue que je restai coi. Et figé.
On retoqua, on répéta :
— C'est pas ici qu'on cherche une étoile ? J'arrive tout droit d'Antarès, où une saleté en provenance de votre planète s'est écrasée il y a peu. Nous vous avons identifiés grâce à un bout de métal gravé à ne pas mettre entre toutes les mains.
Je restais sans voix.
— Ne faites pas l'innocent. Le paquet s'appelle « Pioneer », ou quelque chose du même genre, l'inscription est un peu estompée, mais c'est marqué dessus. Et vous l'avez balancé dans l'espace il y a pas mal d'années. Le message qu'il contenait est la raison de ma présence ici aujourd'hui.
Quelle idée idiote a bien pu vous passer par la tête pour envoyer des petits dessins représentant des monstres nus ? Nous avons compris qu'il s'agissait d'un mâle et d'une femelle de votre espèce, et grâce au plan d'accès sommaire que vous y aviez joint...
J'avais repris mon souffle, je coupai la voix de la porte :
— Mais bon sang, de quoi parlez-vous ? Et si c'est une plaisanterie, je la trouve douteuse.

***

Après trois jours de dialogue à travers la porte fermée, j'avais fini par comprendre de quoi il s'agissait. Les sondes « Pioneer » avaient emporté des plaques métalliques gravées à l'attention d'éventuelles intelligences extra-terrestres. Y étaient représentés un homme et une femme nus à côté de la sonde (ce qui donnait l'échelle), un vague schéma du système solaire pour indiquer la troisième planète comme adresse de l'expéditeur, et la localisation de l'étoile centrale, notre soleil, par rapport aux pulsars alentour. Et quelques autres détails.

Ce que par contre je n'arrivais pas à comprendre, c'est comment une sonde qui avait été conçue pour parcourir, en gros, une année-lumière en 25 000 années terrestres avait pu s'échouer sur Antarès, à quelque six cents années-lumière de la porte de mon bureau. C'est alors que je décidais d'ouvrir, et de voir si oui ou non je rêvais, si un confrère indélicat me faisait une mauvaise blague ou si c'était juste la cuite que j'avais prise la semaine dernière qui refaisait surface.
Antarès ! Géante rouge de type M21, trois cents fois plus grande (pour le diamètre) que notre soleil, et dont les plus de trois mille degrés de la surface provoquaient ce bel éclat orangé qui filtrait sous la porte.

J'ouvrais, donc. Devant moi, sur le paillasson, dans une tache brune qui puait le cramé, une sorte de petit caillou rougeoyant me regardait d'un air courroucé.
— C'est pas trop tôt, fit le bout d'étoile.
À ce moment, le voisin de dessus qui rentrait chez lui crut bon de se manifester :
— C'est vous qui faites tout ce raffut depuis trois jours ? C'est vous qui sentez aussi fort ? C'est vous qui n'aimez pas les petits dessins de femmes et d'hommes à poil ? Z'aviez qu'à rester chez vous. Chacun son étoile, chacun sa galaxie, son système, et pas de problèmes.

Le bout d'étoile, justement, sur le paillasson, rougit encore plus, émit un sifflement très doux et, l'instant d'après, il n'y avait plus de voisin du dessus, juste une sorte d'éponge verdâtre à côté du paillasson.
À mon air effrayé, le caillou crut utile de préciser :
— Ne vous inquiétez pas. C'est ce qui pouvait arriver de mieux à ce... ce primate, comme vous diriez.
Je ne parvenais toujours pas à aligner deux mots, un peu décontenancé tout de même par les événements.
— Bon, alors, on fait quoi, maintenant ? reprit le bout d'étoile qui ne s'était toujours pas présenté. On reste sur le palier ? On entre ? On mange des huîtres ? À propos : je m'appelle Antarès Mille Huîtres. C'est un drôle de nom, mais on s'y fait.
Et, sans attendre mon invitation, Antarès Mille Huîtres pénétra dans mon bureau.
Je refermais la porte sur elle et allais la rejoindre. Elle s'était installée, prudente, dans le cendrier du coin, et attendait la suite en clignotant. Comme deux jours plus tard je n'avais toujours rien dit, elle bâilla, clignota à nouveau et reprit la parole.
— Puisque vous n'avez rien à me dire, je vais parler, et vous laisser un dernier message. Et j'espère que je n'aurais pas à venir vous le répéter : il est interdit de jeter des détritus sur Antarès. Vous devez vous conformer à cette règle, sous peine d'être un jour ou l'autre désintégrés. Faites passer le message à vos congénères, à vos supérieurs, à votre chef s'il en existe un, mais ne balancez plus jamais vos poubelles dans l'espace, ou nous cesserons toutes de briller.
Vous avez entendu : plus de poubelles, sinon plus de lumière. Adieu.

Le caillou avait disparu. Le téléphone sonna. C'était mon rédacteur en chef qui venait aux nouvelles.
J'essayais de lui résumer la situation, lui dire où j'en étais. Il ne me crut pas. Quelques heures s'écoulèrent. Des types en blouse blanche enfoncèrent la porte de mon bureau. L'un d'eux glissa sur une sorte d'éponge verdâtre pendant que j'essayais de m'enfuir par la fenêtre.
Le caillou avait disparu. J'étais seul.
Au firmament, les étoiles brillaient.

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