Amal d'un jour

Je suis Aly Ben Issouf BAKO, j'ai 25ans et je suis Burkinabè. J'habite à Ouagadougou capitale du cinéma. Comprendre donc pourquoi ce rêve de transformer le monde par les écrits m'est apparue si ... [+]

Toute histoire commence un jour, quelque part. Mais triste reste la sienne car dépourvue de préambule.
Je me suis longtemps posé la question sur la véritable identité, la véritable origine, la vraie appartenance de Amal. Un orphelin de création, un orphelin de naissance, un orphelin à l'abandon. C'est encore difficile de définir ce qu'on est quand on ne s'est d'où on vient. L'histoire n'est plus à conter mais à créer.
Amal a commencé une vie courte, une vie si courte que les traces de ses pas se perdaient au fil de son chemin. Quinze années de vie, quinze années de survie. C'est ainsi que ce défini la vie de Amal l'orphelin abandonné dans le puits du village de Désespoir situé non loin sur la route de Grossesse non-désirés.
C'est triste, c'est éprouvant, mais c'est vrai.
Je me rappelle encore la dernière fois que je l'ai vu en vraie. Il était assis là sur le tabouret du Départ vers là-bas. Oui, là-bas là. Tu ne connais pas? Alors tu le sauras. Même moi je l'ignorais par exprès car ce qui m'importais était mes études, le champ de mil de mon père que je me suis habitué à labourer, semer et récolter. Les saisons se suivaient tantôt bonnes, tantôt moroses, mais tout était l'oeuvre d'Allah. En fait l'œuvre de Dieu.
- "Je dois partir". Me disait-il.
- Où Amal? Où dois-tu partir? Lui demandai-je.
- Là-bas. Répondit-il en indiquant du doigt le fleuve.
Mais incompris, je lui réposai à nouveau la question : " Où Amal? Où dois-tu partir?"
- Derrière l'eau.
J'ai alors compris cette expression qui bien que celle-ci semble courante laissait entrevoir l'intention qu'elle cachait. Mais, je ne pouvais le retenir. Je n'étais pas son père ni sa mère, ni son cousin encore moins son tuteur, j'étais juste son ami. Mais un ami sans pouvoir, un ami sans baguette magique.
Amal avait ses raisons, je ne les partageais pas mais j'y croyais mais j'avais peur pour lui. Peur de le voir au bord de l'eau, peur de le voir partir, peur de ne plus le revoir, peur de le perdre à jamais, peur de le décevoir. Alors, je me tue et le regardais partir.
Il se tourna et me dit:"En Europe, derrière l'eau, je ne labourerai plus la terre comme un esclave, je ne puiserai plus l'eau à longueur de journée pour ta mère, ta sœur s'en chargera. Je suis un homme sans racine, mais je suis un arbre qui pousse malgré moi. Je suis donc un miracle je compte donc en faire des miracles." Il sourit, puis tourna le dos au village, à sa terre natale, à l'Afrique son continent de misère qui avait fait de lui un miséreux, un esclave, un orphelin.
Quand j'y pense, je coule des larmes, surtout quand j'ai appris la nouvelle, et quand au bord de la plage je le voyais revenir sous la pirogue, dans l'eau, puis sur la plage maudite. Il était là, il ne disait plus rien qui puisse me troubler, mais je Coulais des larmes. Il avait réussi, il est maintenant libre, libre de l'esclavage dont il a toujours vécu et méprisé. Le voyage n'avait pas eu lieu.
Il est revenu en homme sans vie. Il a vécu quinze années et il est mort un jour dans les vagues des océans.
C'était le commencement et la fin d'une histoire quelque part en Afrique.