Les premières neiges de l'automne saupoudraient déjà le sommet du mont Pelat, là-haut à trois mille mètres d'altitude. À l'affut derrière un bosquet de mélèzes, Jean observait les deux ... [+]
L’air était doux, un vent léger tempérait les rayons cuisants d’un soleil au zénith. Tout en bas, les lacs sur le Drac se lovaient comme des hydres bleues turquoises dans l’écrin des falaises blanches du Dévoluy. Vers le Nord, au delà du plateau Matheysin, elle apercevait la grande barrière du Vercors depuis Grenoble jusqu’à Die, le Grand Veymont et son Mont Aiguille en sentinelle. Vers l’Est, dans l’échancrure de la profonde vallée de la Malsanne, on pouvait voir au loin la chaîne de Belledonne et son Grand Pic encore couvert de névés. C'est la première fois qu'Alice venait sur ces montagnes du Sud Isère. Elle n'avait jamais exploré ces sommets du Beaumont et de la Matheysine situés à moins de cinquante kilomètres de Grenoble où elle résidait. Elle marchait depuis une bonne heure depuis le col. En face d’elle le Coirot laissait deviner la masse imposante du Taillefer et ses sommets satellites.
Le paysage se dévoilait progressivement à mesure qu’elle prenait de la hauteur, comme un spectacle continu qui se jouait au rythme de ses pas. Au détour d’une crête, elle remarqua le sommet du Mont Gargas pointant son éperon de rorqual au dessus du Sanctuaire de La Salette dans le ciel laiteux de cette journée d’été.
A chaque minute la scénographie se révélait en horizons proches ou lointains, comme un décor changeant sur une cimaise de théâtre, bleuté diaphane pour les lointains, plus net et aux couleurs vives pour les premiers plans. Depuis les confins, des chapelets de petits cumulus blancs poussés par le vent faisaient la course en dégradés pointillistes. Elle s’arrêta, huma cet air vif qui lui plaisait tant. Elle était dans son élément, remontant le sentier qui traçait sa route vers les cimes arrondies des alpages de Parquetout.
En ce début d’été, la végétation s’épanouissait en palettes multicolores. Les gentianes poussaient haut leurs hampes fleuries, les touffes de serpolet préféraient se cacher dans le creux des sentes laissées par le passage des troupeaux. L’Orchis Vanillée, discrète et veloutée délivrait son parfum à qui savait la repérer. Aconite, Gaillet Jaune, Lotier Corniculé, toutes les mellifères dressaient leurs fleurs colorées pour séduire les insectes pollénisateurs bourdonnant autour d’elles. Dans ces instants magiques Alice parvenait à tout oublier, le dépaysement était total.
Tendue vers son but, elle ne sentait pas le poids de son sac à dos et goûtait chaque seconde comme si c’était la dernière, avec volupté et délice. Elle vivait le présent du lieu et de l’instant à satiété, comme repue de grand air et de nature, sans penser à rien d’autre. Ce n’était pas une fuite, même si sa vie citadine était bien souvent éprouvante. Ce n’était pas non plus une retraite, les pèlerinages et les chemins initiatiques ne l’attiraient pas trop. Non, c’était un simple plaisir de déambulation dans un paysage apaisé, harmonieux, beau et sobre à la fois.
Parvenue au sommet la vue s’élargissait encore, dévoilant très loin le Pic de Bure et ses hauts plateaux, les montagnes du Valgaudemar. L’Obiou, trônait de son plus beau profil au milieu du tableau, comme un grand fauve couché, majestueux, imposant. Elle déposa son sac, s’assit dessus et observa. Le vent régulier faisait ondoyer les grandes fétuques et les graminées. Au dessus d’elle, une alouette des champs voletait en chantant sa plus belle mélodie d’amour. Elle l’observa pendant de longues minutes, en vol stationnaire, utilisant les courants d'air ascendants avec finesse. Dans un ballet gracieux elle stridulait ses mélodies d’une infinie variété. Elle avait lu sur Wikipedia que l’alouette des champs connaissait plus de six cents notes; initiée par ses parents elle chantait un langage propre à sa lignée et à son lieu de naissance.
Le moment était propice pour Alice. La chaleur du midi favorisait les thermiques ascendants, de blancs cumulus pommelés coiffaient déjà le sommet de la grande tête de l’Obiou, l’alouette lui montrait la voie. Elle déroula son aile sur la pelouse, évitant les bouses de vaches. Son harnais enfilé, bonnet, gants, polaire, altimètre, le « chek-up » était terminé. Alice se concentra, l’alouette était toujours là vingt mètres au dessus d’elle. Au moment où celle ci se lançait dans une longue trille, Alice courut dans la pente, très vite les suspentes de son parapente se tendirent, l’aile se gonfla et d’un délicat sursaut sur l’alpage, elle s’envola gracieusement dans l’azur bleuté du ciel isérois.
Le paysage se dévoilait progressivement à mesure qu’elle prenait de la hauteur, comme un spectacle continu qui se jouait au rythme de ses pas. Au détour d’une crête, elle remarqua le sommet du Mont Gargas pointant son éperon de rorqual au dessus du Sanctuaire de La Salette dans le ciel laiteux de cette journée d’été.
A chaque minute la scénographie se révélait en horizons proches ou lointains, comme un décor changeant sur une cimaise de théâtre, bleuté diaphane pour les lointains, plus net et aux couleurs vives pour les premiers plans. Depuis les confins, des chapelets de petits cumulus blancs poussés par le vent faisaient la course en dégradés pointillistes. Elle s’arrêta, huma cet air vif qui lui plaisait tant. Elle était dans son élément, remontant le sentier qui traçait sa route vers les cimes arrondies des alpages de Parquetout.
En ce début d’été, la végétation s’épanouissait en palettes multicolores. Les gentianes poussaient haut leurs hampes fleuries, les touffes de serpolet préféraient se cacher dans le creux des sentes laissées par le passage des troupeaux. L’Orchis Vanillée, discrète et veloutée délivrait son parfum à qui savait la repérer. Aconite, Gaillet Jaune, Lotier Corniculé, toutes les mellifères dressaient leurs fleurs colorées pour séduire les insectes pollénisateurs bourdonnant autour d’elles. Dans ces instants magiques Alice parvenait à tout oublier, le dépaysement était total.
Tendue vers son but, elle ne sentait pas le poids de son sac à dos et goûtait chaque seconde comme si c’était la dernière, avec volupté et délice. Elle vivait le présent du lieu et de l’instant à satiété, comme repue de grand air et de nature, sans penser à rien d’autre. Ce n’était pas une fuite, même si sa vie citadine était bien souvent éprouvante. Ce n’était pas non plus une retraite, les pèlerinages et les chemins initiatiques ne l’attiraient pas trop. Non, c’était un simple plaisir de déambulation dans un paysage apaisé, harmonieux, beau et sobre à la fois.
Parvenue au sommet la vue s’élargissait encore, dévoilant très loin le Pic de Bure et ses hauts plateaux, les montagnes du Valgaudemar. L’Obiou, trônait de son plus beau profil au milieu du tableau, comme un grand fauve couché, majestueux, imposant. Elle déposa son sac, s’assit dessus et observa. Le vent régulier faisait ondoyer les grandes fétuques et les graminées. Au dessus d’elle, une alouette des champs voletait en chantant sa plus belle mélodie d’amour. Elle l’observa pendant de longues minutes, en vol stationnaire, utilisant les courants d'air ascendants avec finesse. Dans un ballet gracieux elle stridulait ses mélodies d’une infinie variété. Elle avait lu sur Wikipedia que l’alouette des champs connaissait plus de six cents notes; initiée par ses parents elle chantait un langage propre à sa lignée et à son lieu de naissance.
Le moment était propice pour Alice. La chaleur du midi favorisait les thermiques ascendants, de blancs cumulus pommelés coiffaient déjà le sommet de la grande tête de l’Obiou, l’alouette lui montrait la voie. Elle déroula son aile sur la pelouse, évitant les bouses de vaches. Son harnais enfilé, bonnet, gants, polaire, altimètre, le « chek-up » était terminé. Alice se concentra, l’alouette était toujours là vingt mètres au dessus d’elle. Au moment où celle ci se lançait dans une longue trille, Alice courut dans la pente, très vite les suspentes de son parapente se tendirent, l’aile se gonfla et d’un délicat sursaut sur l’alpage, elle s’envola gracieusement dans l’azur bleuté du ciel isérois.