Une punaise de lit, fatiguée d'un long périple et rêvant d'une île déserte, s'échappa un soir d'automne du sac d'un pèlerin fourbu. Elle tomba sans crier gare sur le rebord glissant d'un ... [+]
Au début de l’été 76, année caniculaire de triste mémoire, on annonça au peuple médusé, à grands renforts de spots télévisuels et radiophoniques, l’imminence d’un congrès de toutes les Brigades des Stups de Métropole (BSM). L’Etat voulait frapper un grand coup et reprendre le contrôle d’une société avide de consommer du rêve via le commerce illicite de psychotropes et autres substances hallucinogènes. L’évènement devait avoir lieu le WE du 14 juillet au Casino du Carrefour des Quatre Sans Culs et être suivi d’un feu d’artifice géant.
Au mitan du jour J, Alberto Gonzo - seul et unique reporter invité en tant qu’étoile montante du journalisme underground - s'y précipita au volant de sa Cadillac blanche décapotable directement importée de Las Vegas. C’était pour lui l’occasion d’être reconnu en tant qu’écrivain et de trouver enfin la gloire. Attrapant son baise-en-ville - on lui avait réservé une chambre pour le WE dans l’hôtel attenant au Casino - il abandonna à regret les clés de son carrosse à une espèce de gnome au faciès simiesque et franchit les lourdes portes de l’enfer du jeu. Il pénétrait pour la première fois dans le ventre du monstrueux pachyderme, le mythique 4sansQ. Il fut aussitôt intercepté par deux colosses aux gueules d’anges bodybuildés qui vérifièrent son carton d’invitation tout en jetant un œil dédaigneux sur son costume trois pièces de toute évidence loué pour l’occasion. Puis les deux huilés du bocal lui indiquèrent une petite porte discrète tout au bout d’un couloir sombre et étroit.
En émergeant dans le ventre du géant, Alberto fut pris de vertige. La salle était gigantesque. Des jets de lumières psychédéliques dégueulaient des lustres suspendus au plafond. Les murs étaient tapissés de miroirs dégoulinants d’ors, chaque alcôve ornée de statues équivoques. Au-delà des immenses baies vitrées, un paysage sans fin et quasi-irréel, un désert fait de poussière de sable et d’arbrisseaux rabougris, rissolait sous un soleil de plomb.
Émergeant comme des poissons-volants au-dessus d’un océan de fumées odorantes, une armée de Pinups courtement vêtues de tabliers de dentelle arachnéenne louvoyait avec grâce au milieu de centaines de flics en uniformes, un masque porcin sur le visage. Ça y est, ça commence, j’ai des hallucinations, se dit Alberto Gonzo qui, pour se donner du cœur à l’ouvrage, avait déjà bien chargé le baudet. Tenant à bout de bras des plateaux lourdement chargés de substances multicolores, des Girls naviguaient en mer peinarde parmi les participants BSM et leurs invités, de gros requins de la finance et de la pègre, des politiciens lippus et ventripotents, ainsi que des personnalités du show-biz en mal de contrats. Dans leur sillage, une pléiade de prostitués des trois sexes, ondoyant sur des talons aiguilles vertigineux, offraient leurs charmes à qui voulaient les saisir. Suspendues comme des paquets cadeaux aux murs tapissés de motifs psychédéliques, les épouses légitimes décolorées comme des sapins de Noël attendaient sagement qu’on les convoque pour l’inévitable photo de groupe.
Malgré la clim poussée à fond, Alberto Gonzo se mit à transpirer comme un veau devant l’abattoir. Quelle idée aussi d’avoir opté pour un costume trois pièces ! Il ne se sentait pas à sa place dans cette assemblée de gros lards hallucinés qui s’enfilaient d'énormes rasades d’alcools, tiraient comme des locomotives sur des cônes gros comme des bâtons de chaises en sniffant de la coke sous le nez des organisateurs totalement dépassés. Il vida d’un trait son verre plein à ras-bord d’un liquide bleuâtre, en saisit un second, puis un troisième, les siffla coup sur coup, sa température corporelle monta d’un cran... il perdit toute notion du temps.
Complètement défoncé - les drogues qu’il avait ingurgitées (marijuana, cannabis, LSD, mescaline, amphétcétéra faisant leur effet - il chercha sa chambre pour pondre son papier. Il se trompa de porte, se cassa le nez sur des lits où se vautraient des corps baignant dans la sueur, l’alcool et le stupre, s’y vautra lui-même avec délice en abandonnant son trois-pièces de pacotille et ce qui lui restait de dignité. Enfin attablé dans le plus simple appareil devant son bloc de pages blanches, il s’attela douloureusement à la tâche, cassant des ampoules de poppers sous ses narines ensanglantées histoire d’alimenter son cerveau en pleine ébullition. Englué dans une succession de cauchemars chaotiques et effrayants peuplés d’araignées et de lézards géants, de serpents dantesques, de chauves-souris menaçantes et autres bestioles répugnantes, il ne pouvait trouver son salut que dans l’écriture.
Au mitan de la deuxième nuit - la température avoisinait encore les 25° Celsius - en pleine descente - mais toujours debout après avoir accouché d’un chaos logorrhréique complètement déjanté - au moment même de la mise en orbite du délire pyrotechnique dans les jardins du 4sansQ, grelottant et tremblant comme une feuille de Marie-Jeanne sous la faucille du coupeur de joints, Alberto Gonzo ouvrit grand la fenêtre de sa chambre, et prit son envol en hurlant comme un damné : « Je suis Gonzo le Magnifique et j’ai des couilles en bronze ! ». Le hasard fit qu’il s’écrasa, trois étages plus bas, dans les bras d’un singe au faciès de gnome avachi sur la banquette de sa Cadillac blanche décapotable directement importée de la cité des anges. On eut du mal à séparer les corps, on ne retrouva pas leurs esprits partis galoper comme des chevaux fous dans le désert aride en compagnie de créatures empennées.
Si le scandale de la convention des BSM fut vite oublié, le monde entier s’arracha à prix d’or l’œuvre de Gonzo le Magnifique. Traduite dans toutes les langues, la prose d’Alberto était un hallucinant salmigondis de phrases délirantes lâchées à un rythme frénétique relatant le WE apocalyptique du 14 juillet 1976, année caniculaire de triste mémoire.
D'où finalement tous les participants - exceptés Alberto et le gnome (ou le singe qu’importe finalement) - ressortirent saufs mais pas sains du tout car souffrant d’altérations irrémédiables du cortex.
Au mitan du jour J, Alberto Gonzo - seul et unique reporter invité en tant qu’étoile montante du journalisme underground - s'y précipita au volant de sa Cadillac blanche décapotable directement importée de Las Vegas. C’était pour lui l’occasion d’être reconnu en tant qu’écrivain et de trouver enfin la gloire. Attrapant son baise-en-ville - on lui avait réservé une chambre pour le WE dans l’hôtel attenant au Casino - il abandonna à regret les clés de son carrosse à une espèce de gnome au faciès simiesque et franchit les lourdes portes de l’enfer du jeu. Il pénétrait pour la première fois dans le ventre du monstrueux pachyderme, le mythique 4sansQ. Il fut aussitôt intercepté par deux colosses aux gueules d’anges bodybuildés qui vérifièrent son carton d’invitation tout en jetant un œil dédaigneux sur son costume trois pièces de toute évidence loué pour l’occasion. Puis les deux huilés du bocal lui indiquèrent une petite porte discrète tout au bout d’un couloir sombre et étroit.
En émergeant dans le ventre du géant, Alberto fut pris de vertige. La salle était gigantesque. Des jets de lumières psychédéliques dégueulaient des lustres suspendus au plafond. Les murs étaient tapissés de miroirs dégoulinants d’ors, chaque alcôve ornée de statues équivoques. Au-delà des immenses baies vitrées, un paysage sans fin et quasi-irréel, un désert fait de poussière de sable et d’arbrisseaux rabougris, rissolait sous un soleil de plomb.
Émergeant comme des poissons-volants au-dessus d’un océan de fumées odorantes, une armée de Pinups courtement vêtues de tabliers de dentelle arachnéenne louvoyait avec grâce au milieu de centaines de flics en uniformes, un masque porcin sur le visage. Ça y est, ça commence, j’ai des hallucinations, se dit Alberto Gonzo qui, pour se donner du cœur à l’ouvrage, avait déjà bien chargé le baudet. Tenant à bout de bras des plateaux lourdement chargés de substances multicolores, des Girls naviguaient en mer peinarde parmi les participants BSM et leurs invités, de gros requins de la finance et de la pègre, des politiciens lippus et ventripotents, ainsi que des personnalités du show-biz en mal de contrats. Dans leur sillage, une pléiade de prostitués des trois sexes, ondoyant sur des talons aiguilles vertigineux, offraient leurs charmes à qui voulaient les saisir. Suspendues comme des paquets cadeaux aux murs tapissés de motifs psychédéliques, les épouses légitimes décolorées comme des sapins de Noël attendaient sagement qu’on les convoque pour l’inévitable photo de groupe.
Malgré la clim poussée à fond, Alberto Gonzo se mit à transpirer comme un veau devant l’abattoir. Quelle idée aussi d’avoir opté pour un costume trois pièces ! Il ne se sentait pas à sa place dans cette assemblée de gros lards hallucinés qui s’enfilaient d'énormes rasades d’alcools, tiraient comme des locomotives sur des cônes gros comme des bâtons de chaises en sniffant de la coke sous le nez des organisateurs totalement dépassés. Il vida d’un trait son verre plein à ras-bord d’un liquide bleuâtre, en saisit un second, puis un troisième, les siffla coup sur coup, sa température corporelle monta d’un cran... il perdit toute notion du temps.
Complètement défoncé - les drogues qu’il avait ingurgitées (marijuana, cannabis, LSD, mescaline, amphétcétéra faisant leur effet - il chercha sa chambre pour pondre son papier. Il se trompa de porte, se cassa le nez sur des lits où se vautraient des corps baignant dans la sueur, l’alcool et le stupre, s’y vautra lui-même avec délice en abandonnant son trois-pièces de pacotille et ce qui lui restait de dignité. Enfin attablé dans le plus simple appareil devant son bloc de pages blanches, il s’attela douloureusement à la tâche, cassant des ampoules de poppers sous ses narines ensanglantées histoire d’alimenter son cerveau en pleine ébullition. Englué dans une succession de cauchemars chaotiques et effrayants peuplés d’araignées et de lézards géants, de serpents dantesques, de chauves-souris menaçantes et autres bestioles répugnantes, il ne pouvait trouver son salut que dans l’écriture.
Au mitan de la deuxième nuit - la température avoisinait encore les 25° Celsius - en pleine descente - mais toujours debout après avoir accouché d’un chaos logorrhréique complètement déjanté - au moment même de la mise en orbite du délire pyrotechnique dans les jardins du 4sansQ, grelottant et tremblant comme une feuille de Marie-Jeanne sous la faucille du coupeur de joints, Alberto Gonzo ouvrit grand la fenêtre de sa chambre, et prit son envol en hurlant comme un damné : « Je suis Gonzo le Magnifique et j’ai des couilles en bronze ! ». Le hasard fit qu’il s’écrasa, trois étages plus bas, dans les bras d’un singe au faciès de gnome avachi sur la banquette de sa Cadillac blanche décapotable directement importée de la cité des anges. On eut du mal à séparer les corps, on ne retrouva pas leurs esprits partis galoper comme des chevaux fous dans le désert aride en compagnie de créatures empennées.
Si le scandale de la convention des BSM fut vite oublié, le monde entier s’arracha à prix d’or l’œuvre de Gonzo le Magnifique. Traduite dans toutes les langues, la prose d’Alberto était un hallucinant salmigondis de phrases délirantes lâchées à un rythme frénétique relatant le WE apocalyptique du 14 juillet 1976, année caniculaire de triste mémoire.
D'où finalement tous les participants - exceptés Alberto et le gnome (ou le singe qu’importe finalement) - ressortirent saufs mais pas sains du tout car souffrant d’altérations irrémédiables du cortex.
j''essaie de me réabonner et suis heureuse de vous retrouver .