Le merveilleux destin de Romuald

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— Romuald ! Tu viens ? On va être en retard...
— J'arrive, M'man. Où va-t-on ?
— Nous allons rendre visite à Mara, la Sorcière.
Romuald pointe son nez hors des buissons, jette un œil sur l'immensité blanche qui s'étale devant lui et baisse la tête, grognon. La neige est tombée toute la nuit, il y en a partout, et pas qu'un peu !
— On est vraiment obligés d'y aller aujourd'hui ? demande-t-il boudeur.
— Mais oui, le temps est idéal pour une promenade, pas trop froid, pas de vent et un rayon de soleil. D'ailleurs, regarde tes frères et tes copains !
En effet, de jeunes rennes se poursuivent gaiement dans la prairie et, sous leurs sabots rapides, des flocons joyeux virevoltent dans la lumière. Romuald jette un œil noir sur ce spectacle et bougonne :
— Suis obligé de t'accompagner ?
— Oui, répond sa mère sèchement. Dépêche-toi, sors de ce buisson !
Romuald obéit trèèèès lentement, il pose délicatement une patte dans la clairière, son sabot s'enfonce dans la neige fraîche, et aussi la moitié de sa jambe ! Qu'est-ce que c'est froid ! Et mouillé ! Maman fait mine d'ignorer les hésitations de son gamin et avance dans la neige en meuglant ses recommandations aux jeunes rennes :
— Ne vous éloignez pas des arbres ! Si vous voyez des animaux qui marchent sur deux pattes, courez vite vous réfugier dans la forêt ! Alors Romuald, tu viens ?
— Oui, oui...
Avec précaution, il sort des taillis, repère les endroits les moins profonds du manteau blanc. À chaque pas, il soulève un sabot dégoûté et le secoue pour en enlever cette ouate collante et froide.
Devant lui, Maman désespère, des idées noires tournent dans sa tête : Mais qu'est-ce que j'ai fait au ciel et aux arbres pour avoir un fils qui n'aime pas courir dans les prairies ? Qu'est-ce qu'il va devenir ? Il va se faire tuer par les chasseurs ; les loups ou les ours vont le dévorer tout cru... Ça me brise le cœur, Il est si beau, si affectueux. S'il ne s'endurcit pas, il ne passera pas l'hiver.
Maman avance le long des arbres, là où la neige est moins épaisse. Romuald la suit, précautionneusement.

Voilà des jours qu'elle le force à sortir des taillis, elle a tout essayé : les encouragements, les récompenses, les punitions... Rien n'y fait. Depuis que l'hiver est arrivé, Romuald regarde le sol humide d'un air renfrogné et refuse de poser les pattes dans les flaques, la boue ou la neige. Si elle l'oblige à avancer, ses pattes deviennent vite raides comme des piquets de bois, sa fourrure se hérisse et il se met à trembler.

C'est pourquoi elle a décidé d'abandonner le troupeau aujourd'hui pour aller consulter Mara, la Sorcière. C'est son dernier espoir. Elle aura peut-être un remède pour endurcir son fils, le rendre moins frileux, bref, pour faire de son fils un renne normal !
— M'man ? C'est encore loin ? J'ai les sabots gelés !
— Si tu marchais un peu plus vite, tu aurais moins froid et on y serait déjà, lui dit-elle brusquement en accélérant le pas. Elle a des envies de le pousser à coups de bois dans le derrière, de lui mordre les fesses, de lui bramer si fort dans les oreilles qu'elles en tombent... mais elle a déjà essayé ces techniques, ça ne sert à rien...
— Bon, bon, répond Romuald, résigné.
— Allez, on marche encore un peu. Quand le soleil sera haut dans le ciel, on fera une halte pour manger et se réchauffer... Viens ici, à côté de moi, tu auras plus chaud. On va traverser cette prairie, ce sera plus court.

Quand le petit se met à claquer des dents, elle décide de s'arrêter pour une pause. D'un sabot expert, elle soulève la neige pour trouver de la mousse tendre et fraîche.
— Ici, Romuald, regarde, de la bonne mousse pour ton déjeuner.
— Merci, M'man !
Affectueusement, elle souffle sur les pattes de son petit.

Puis ils reprennent leur chemin.
— On arrive bientôt ?
— Oui, oui, bientôt... Mara habite là-bas, au bout de cette clairière.

Ils arrivent enfin sous le couvert des arbres. Romuald se sent revivre, les arbres sont tellement serrés que la neige n'est pas passée à travers leurs branches entremêlées.
— Mara la Sorcière ? appelle Maman.
Un sifflement aigu lui répond, tout près.
— Bonjour Mara, comment vas-tu ?
— Bien, bien, sauf mes rhumatismes... Et toi, Cella ? Ça me fait plaisir de te revoir. Mais je suppose que tu n'as pas fait un si long chemin juste pour me saluer... Tu as des ennuis ?
— Je suis venue pour le petit. Il s'appelle Romuald, il est né au printemps dernier.
— Un bien beau jeune homme ! Tu dois être fière de lui ! s'extasie Mara.
— Oui, oui, pourtant, il a quelque chose qui ne va pas... Tu comprends, il n'est pas normal... Il ne supporte pas le froid de l'hiver, il ne sait pas courir dans la neige... J'ai tout essayé, rien à faire...
— Ah oui ! C'est un gros problème... Pourtant, il n'a pas l'air malade, il est costaud...
Mara tourne autour de Romuald en sifflant doucement.
— Il a un bon dos, des pattes solides, un pelage bien épais... Lève les pieds, Petit... Les sabots sont bien formés... Je ne lui trouve rien d'anormal... Nous allons demander l'avis de la fée de la forêt... Romuald, pendant que ta Maman et moi parlons un peu, va nous chercher la plus belle touffe de nourriture que tu pourras trouver. Et rapporte-la ici, ne la mange pas, surtout !

Quelques minutes plus tard, Romuald revient, une touffe de lichen grisâtre entre les dents. Il la dépose devant Mara qui l'observe attentivement.
— En effet, Cella, ton fils n'est pas un renne comme les autres, il est spécial... exceptionnel... Regarde, on voit son avenir dans cette touffe... Ici, à gauche, ce sont des rennes et là, sur la droite, un traîneau... C'est merveilleux... Ton petit va travailler pour le père Noël, il va tirer son traîneau à travers le ciel !

Une année a passé. L'hiver est revenu avec ses flocons glacés. Mais Romuald est heureux. Plus question pour lui de se geler les pattes sur le sol dur de la prairie, il saute de nuage en nuage, la tête dans les étoiles. Ses sabots s'enfoncent avec volupté dans des boules moelleuses. Le père Noël l'a félicité : il est devenu le plus adroit des rennes de l'attelage.

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Image de Le merveilleux destin de Romuald
Illustration : Pablo Vasquez

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