Le Cri

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Ses yeux le piquent, cela fait maintenant un petit moment qu'il est absorbé par sa liseuse. Il n'a pas vu défiler les stations, quel peut être le prochain arrêt ? Il est monté comme tous les matins à Torcy pour se rendre à La Défense, et en consultant sa montre, il en déduit qu'il doit avoir dépassé depuis peu Charles de Gaulle – Étoile puisqu'il se trouve dans un tunnel.
Il range sa liseuse dans le sac Fred Perry sur ses genoux, et se frotte les yeux. Décidément, le thriller surnaturel qu'il est en train de lire le déconnecte complètement du monde extérieur. Et le casque qu'il porte sur les oreilles n'arrange rien, immersion totale sur fond de hard-rock. Cette lecture en musique est sa drogue matinale, histoire d'oublier la longueur du trajet.
Il s'étire, ôte doucement le casque audio pour le glisser autour de son cou et regarde autour de lui comme s'il voyait le wagon pour la première fois. Il sourit intérieurement, comme chaque jour de la semaine, il monte dans la rame en automatique à Torcy. Tout ce qui lui importe est de retrouver sa place habituelle, tranquille, au fond à l'étage, à l'extrémité d'une rame, pour vite plonger dans sa lecture.
Il tend les jambes droit devant lui, personne n'est assis sur la même rangée de siège, ni en face, c'est rare, mais après tout, avec le pont du premier novembre et l'horaire matinal, c'est explicable. Seule une dizaine de personnes, douze précisément après un décompte mental rapide, l'accompagnent pour son trajet. Il sourit en se rendant compte qu'elles lui tournent toutes le dos. Si ça se trouve, aucune d'entre elle ne sait qu'il est assis au fond du wagon ! Il faut qu'il arrête de lire des romans fantastiques, ça lui monte au cerveau ! Il se frotte les yeux et les ferme un moment. Dans peu de temps, il arrivera à La Défense avec son éclairage 100 % LED ne laissant aucun répit aux rétines. Il sent la rame ralentir, signe d'arrivée prochaine. Il reste encore un peu avec les yeux clos.
La rame ralentit encore, cette fois-ci, c'est sûr, sa station est à l'approche. Il rouvre les yeux et pousse un petit hoquet de stupeur. Toutes les personnes présentes dans le wagon lui font maintenant face ! Elles ont dû changer de place pendant le laps de temps où il avait fermé les yeux ! Ça lui parait fou, pourquoi auraient-elles décidés soudainement de toutes changer de place, au même moment, alors que l'arrêt se profilait ? Il se sent mal à l'aise mais essaie de n'en rien laisser paraître, après tout, rien n'interdit ce genre de comportement de la part des autres usagers.
Il décide de porter son attention sur son reflet dans la vitre aveugle à sa droite. Il se concentre sur les lumières de sécurité du tunnel qui défilent de plus en plus lentement. Une lumière beaucoup plus vive se dessine à la périphérie de son regard, il n'a jamais accueilli avec autant de soulagement l'arrivée à la station de La Défense.
Il reporte son regard sur le wagon tout en se levant. Il constate que cette fois-ci, plus personne n'est présent à son étage ! Il se dit immédiatement que tout le monde doit déjà être sur la plateforme du bas, désireux d'être parmi les premiers à s'extirper de la coque d'acier pour se précipiter vers les escalators géants les amenant vers leurs tours de verre et d'acier sur l'esplanade extérieure.
Il descend également sur la plateforme. Personne n'y est présent ! En penchant la tête sur la droite, il se rend compte qu'il n'y a absolument personne dans tout le wagon ! C'est impossible. Il n'y a pas eu d'arrêt, il l'aurait quand même vu !
Il se tient immobile devant la porte. Le quai de La Défense, désert, passe au ralenti devant lui. Il presse le bouton vert signifiant l'ouverture des portes, mais le RER ne s'immobilise pas, il continue silencieusement à glisser le long du quai et semble même reprendre de la vitesse ! Il appuie plus fortement en donnant plusieurs à-coups sur le bouton poussoir, rien ! La rame a repris de la vitesse, elle n'a pas marqué l'arrêt ! Ce n'est pas possible !
Pris de panique, son premier réflexe est de remonter à l'étage sous le coup d'une impulsion irraisonnée. À peine arrivé en haut de la dernière marche, il se sent dévisagé. Les douze passagers sont de nouveau présents et lui font face, totalement silencieux !
Il se retourne et saute en bas des marches. Il pousse un cri de douleur en se réceptionnant durement sur le lino gris, sa cheville a lâché dans un claquement sec, ses ligaments viennent de le trahir. Il se tord de douleur. Mais qu'est-ce qui arrive bon sang ? Il a l'impression de se retrouver dans un roman d'horreur ! Il jette un œil apeuré en direction du haut des marches, mais personne n'y parait. En faisant décrire un cercle à sa tête, ses yeux rencontrent le signal d'alarme. Voilà la solution, dès qu'il se sera remis sur ses jambes, il se traînera jusqu'à lui et l'actionnera, tant pis pour l'éventuelle amende, il l'accueillera même avec soulagement !
Le RER a encore augmenté sa vitesse, toute la coque du wagon tremble sous l'effort. Il sait que le RER peut filer jusqu'à 100 km/h dans Paris intra-muros, mais la vitesse lui semble beaucoup plus élevée encore ! Les lumières se mettent à clignoter dans un grésillement sonore, puis s'éteignent. Plus moyen de se relever dans cette obscurité trompeuse, il lui faut attendre que le courant soit rétabli.
La lumière revient enfin au bout de quelques secondes interminables. Et avec elle, les douze passagers toujours aussi silencieux qui sont maintenant disposés en cercle autour de lui ! Il essaie maladroitement à l'aide des paumes de ses mains de caler son dos à l'une des cloisons de la plateforme.
Le RER accélère encore, la lumière se met de nouveau à clignoter puis à s'éteindre. Plongé une nouvelle fois dans le noir, il entend soudain un hurlement terrifiant et se rend compte que c'est lui qui hurle sans discontinuer depuis maintenant de longues secondes.

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