Cinq minutes

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En 2050 fut créée une machine révolutionnaire. Elle permettait tout simplement à chacun de connaître le temps qui lui restait à vivre.
Ce jour-là, Alfred Pinson, la quarantaine, avait décidé de franchir le pas, « pour rigoler », avait-il annoncé goguenard à sa compagne et à son meilleur ami. Lorsqu'il sortit de la machine, il fut accueilli par un psychiatre, comme cela était la procédure.
— Asseyez-vous, monsieur Pinson.
— Alors ?
— Écoutez...
— Je comprends que ça vous surprenne, ma grand-mère est centenaire, avec sa sœur jumelle.
— Ha...
— Alors, combien de temps il me reste ? Soixante ans ? Soixante-dix ? Cent ? Ah ! Ah ! Ah !
— Je vais être franc.
— J'aime ça. Je suis prêt à tout entendre.
Alfred Pinson souriait, sûr de lui.
— Cinq.
— Cinq ans ? demanda Pinson, soudain tout blanc.
— Cinq minutes.
— Cinq minutes ?
— Enfin, plus tout à fait maintenant.
— C'est une blague, enfin quoi je suis en excellente santé. Elle déconne complètement votre putain de machine, vous me faites perdre mon temps quoi merde !
— Bernadette.
— Quoi Bernadette ?
— La « machine », comme vous dites, s'appelle Bernadette, elle existe depuis vingt ans et n'a jamais été prise en défaut. Elle est parfaitement fiable. Cent pour cent. Aucune erreur monsieur Pinson. Vous allez mourir d'une mort brutale. Bernadette n'en dit pas plus. Sans doute un accident ou quelque chose de ce genre... Monsieur Pinson ? Vous ne vous sentez pas bien ?
Il tremblait, Alfred Pinson. Les mains, les pieds, les genoux, le ventre. Et une sueur froide coulait dans son dos.
— Tenez, voici un tranquillisant.
Pinson renversa la moitié du verre sur son pantalon mais réussit tant bien que mal à viser la bouche et à ingurgiter le comprimé.
— Qu'est-ce que je dois faire ?
— Il n'y a pas de règle. Chacun réagit à sa façon, lui répondit le psychiatre en haussant les épaules. En fonction de son histoire, de sa personnalité.
— Je vais appeler ma femme.
— Pour lui dire quoi ?
— Au revoir ; lui dire au revoir.
— Hum. Elle risque de ne pas vous croire. Ou penser que c'est une blague. C'est une perte de temps, et dans votre cas... Elle l'apprendra bien assez vite.
— Mais je ne vais pas rester assis ici comme un con en attendant.
— Vous voulez manger quelque chose ? Est-ce qu'il y a un plat qui vous ferait plaisir ? Une boisson ?
— Parce que vous croyez que j'ai faim ?
Alfred Pinson hésita.
— Une andouillette sauce moutarde, avec des frites. Et du vin, beaucoup de vin. Je vais me bourrer la gueule tiens, j'en ai plus rien à faire.
Le psychiatre fit non de la tête.
— Vous n'avez pas le temps de vous biturer. L'andouillette c'est trop long à préparer. Vous ne pensez pas à quelque chose de plus simple ?
Pinson s'affaissa sur sa chaise. Son regard croisa celui du psy. Il se redressa.
— Un moment intime avec une femme ?
— Il y a des limites, monsieur Pinson.
— Voir la mer une dernière fois ?
— Pas le temps. Nous sommes à Paris. On peut vous préparer un sandwich.
— Vous vous foutez de ma gueule ! Pas d'andouillette, pas de femme, pas de mer, je vais mourir, et vous me proposez un sandwich ?
— Écoutez, je ne sais pas... C'est la première fois que je suis confronté à une telle situation. Je ne sais vraiment pas quoi vous dire.
— Oui bah écoutez c'est vraiment de la merde votre truc !
Pinson s'éjecta de son siège, fou de rage, souleva le bureau devant lui et le renversa sur l'éminent spécialiste.
— Je ne veux pas mourir, t'entends mon gros ? C'est toi qui vas crever.
Alfred Pinson était devenu dingue. Complètement incontrôlable. Cela n'échappa pas au psychiatre à genoux parmi le foutoir de son bureau. Il saisit une statuette africaine, un guerrier brandissant une lance, et la balança vers Pinson. Effaré, il vit la lance pénétrer l'œil droit de son patient et ressortir derrière le crâne.

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