Des habits superbes

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« Je pars avec de bons souliers et des habits superbes,
Je n'ai que moi à défendre, je ferai de mon mieux. »*

Il faisait de son mieux, reprendre un carré d'herbe,
Un buisson, un taillis pour sauver la patrie,
Pour le coucher à terre, ajuster l'ennemi,
La balle entre les yeux, éteindre la lumière.
La fleur à son fusil, une drôle de guerre,
Tout cela est si loin, le jour où il partit,
Dans ses habits superbes, le cœur en bandoulière.

Aujourd'hui, il est là, et depuis mille jours,
La légende des siècles le soir il se raconte
Pour oublier sa peur qui se couvre de honte.
Les guêtres dans la fange, il tient encore debout,
Il ne sait jusqu'à quand. S'il reste encore un homme,
C'est à grands coups de gnole, et la ration de rhum
Qu'avant chaque combat il avale en riant.

Et soudain, en hurlant, ils sortent de leur tombe,
La tranchée protectrice qui s'écroule sur eux.
Ignorant le fracas, l'horreur de l'hécatombe,
Sur un coup de sifflet hystérique et vengeur,
Ils obéissent à l'ordre des rêves de vainqueurs.

Il revoit le soleil, enrubanné de brume.
Un douloureux éclat le foudroie à son tour.
Ultime rendez-vous, il repense à sa brune,
Qui demain, sans un mot, terrassée d'amertume,
Dans un dernier sanglot, écrira l'épitaphe
Naïve et incongrue pour un suprême hommage.
« Parti avec de bons souliers et des habits superbes. »


* Paroles de Poilus

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